Le 03 juin 2020, le Conseil des états de la Confédération helvétique a dit non à la mise en place dans les abattoirs suisses d’une surveillance vidéo généralisée.
Après que l’Unité fédérale pour la chaîne alimentaire (UCAL) qui dépend de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) et qui l’assiste, notamment, dans la mise en œuvre de la protection des animaux utilisés aux fins alimentaires, ait constaté lors d’une enquête dans 67 abattoirs qui s’était déroulée de mars 2018 à mars 2019 de graves manquements dans les abattoirs, le membre du Conseil (et par ailleurs professeur de droit pénal), Daniel Jositsch avait déposé le 02 mars 2020 une Motion en vue de la mise en place généralisée de la surveillance vidéo dans tous les abattoirs suisses. Celle-ci vient d’être rejetée par le Conseil des états.
Le Conseil fédéral (organe exécutif de la Confédération suisse qui dirige l'administration) avait déjà, auparavant, rejeté la Motion en mai dernier.
Ainsi que le précise l'ONG suisse "Tier im Recht"("L'Animal dans le Droit") dans son article du 18 mai 2020; le Conseil fédéral "reconnaît la nécessité d’une action immédiate, mais renvoie aux mesures déjà introduites par l’office fédéral compétent. Ces mesures comprennent une amélioration de la formation du personnel d’abattage, l’optimisation des procédures d’abattage, en particulier par l’ajustement des méthodes d’étourdissement individuelles, et une révision de l’autocontrôle des abattoirs. Le Conseil fédéral considère ces précautions comme suffisantes. Par contre, bien qu’il reconnaisse l’utilisation des caméras vidéo – en respectant les droits de la personnalité des employés – comme une méthode appropriée pour documenter et contrôler que l’étourdissement et la saignée soient conformes à la protection des animaux, il estime que cet instrument est disproportionné en renvoyant aux mesures susmentionnées.
Tier im Recht pursuit son analyse en précisant que "Selon le Conseil fédéral, l’introduction d’une vidéosurveillance est disproportionnée. Il ne reconnaît pas que l’application du principe de proportionnalité n’est pas la même chose que d’insister sur la mesure la plus légère possible. Si la mesure plus légère ne s'applique pas, une mesure plus stricte ou appropriée et efficace doit être prise pour satisfaire aux exigences légales. Une fois de plus, le point de vue du Conseil fédéral montre la banalisation des préoccupations même élémentaires de la protection des animaux et une interprétation unilatérale du principe de proportionnalité en faveur des intérêts humains. Cet avis doit être rejeté parce qu’il est inconstitutionnel. "
Le Conseil des états,après le Conseil fédéral,a donc rejeté la Motion de M.Jositsch.
La décision de rejet est très regrettable. La protection des animaux sur leur lieu de mise à mort n'est pas garantie.
Surprenant quand on se rappelle que la Suisse est présentée dans le monde entier comme un pays en pointe en matière de protection animale.
Le pays a même créé la notion de "dignité" de l'animal laquelle doit être respectée en toutes circonstances en fonction de la "pesée des intérêts".
La loi sur la protection animale précise, s'agissant de la dignité de l'animal, que:
"La loi sur la protection des animaux définit la dignité de l'animal comme la valeur propre de l'animal, qui doit être respectée par les personnes qui s'en occupent. Il y a atteinte à la dignité de l’animal lorsque la contrainte qui lui est imposée ne peut être justifiée par des intérêts prépondérants; il y a contrainte notamment lorsque des douleurs, des maux ou des dommages sont causés à l’animal, lorsqu’il est mis dans un état d’anxiété ou avili, lorsqu’on lui fait subir des interventions modifiant profondément son phénotype ou ses capacités, ou encore lorsqu’il est instrumentalisé de manière excessive (art. 3, let. a, LPA).
"Pour déterminer si les contraintes se justifient dans un cas concret, il faut procéder à une pesée des intérêts. Le groupe de travail « Dignité de l’animal » de l’OSAV a donc élaboré un modèle permettant d’effectuer de manière correcte et uniforme la pesée des intérêts. Il est destiné aux personnes qui sont confrontées à des problématiques concrètes concernant le respect de la dignité de l’animal dans le cadre de leur travail. Il permet d'effectuer une pesée des intérêts en sept étapes et d'établir si une intervention sur des vertébrés, des céphalopodes ou des décapodes marcheurs est admissible dans le cadre de la législation sur la protection des animaux. Ce modèle est utilisé notamment pour l'autorisation des expériences sur des animaux. Les explications de la pesée des intérêts présentent les éléments théoriques du concept de dignité de l'animal et la mise en œuvre du concept au moyen de la pesée des intérêts."
En fait, en Suisse c'est l'auto-contrôle qui, jusqu'à présent, constitue la règle. Les services fédéraux ne contrôlent que la documentation administrative. Ils s'intéressent (comme en France) essentiellement à la sécurité alimentaire qu'au "bien-être" animal lors de leurs derniers instants.
L'auto-contôle, nous le savons pertinemment, ne fonctionne pas. Pas davantage en Suisse qu'en France ou dans un autre pays.
Seuls des contrôles officiels et indépendants peuvent être efficaces et garantir le respect des règles.
Et en France ?
Rappelons que le député Olivier Falorni qui avait présidé la commission d'enquête sur l'abattage de l'Assemblée Nationale avait déposé, par la suite, une proposition de loi prévoyant la mise en place de cameras vidéo dans tous les abattoirs.
Cette proposition, approuvée à l'Assemblée nationale, n'a jamais été examinée par le Sénat. A la suite de l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, cette idée a été abandonnée et remplacée timidement (tant la pression du lobby alimentaire était forte) par une simple expérimentation de deux ans sur la base du volontariat.
Autant dire, une idée sans aucune ambition si c'est celle d'aboutir à la conclusion que cela pose problème ou ne sert pas à grand chose et de faire disparaitre celle-ci dans les oubliettes de la République.
Cette proposition, approuvée à l'Assemblée nationale, n'a jamais été examinée par le Sénat. A la suite de l'arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, cette idée a été abandonnée et remplacée timidement (tant la pression du lobby alimentaire était forte) par une simple expérimentation de deux ans sur la base du volontariat.
Autant dire, une idée sans aucune ambition si c'est celle d'aboutir à la conclusion que cela pose problème ou ne sert pas à grand chose et de faire disparaitre celle-ci dans les oubliettes de la République.
C'est la loi Egalim (qui n' pas été une grande réussite) du 30 octobre 2018 qui a autorisé la mise en place d'un « contrôle par vidéo des postes de saignée et de mise à mort » avec pour objectif d'« évaluer l'efficacité des protocoles et l'application de la réglementation du bien-être animal ».
Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation de deux ans ont été précisées par décret publié au Journal officiel le 28 avril 2019. Depuis, guère de nouvelles quant à cette mise en place volontaire. Les conclusions en seront tirées en 2021.
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L'on constate donc que ce soit en Suisse ou en France que la mise en œuvre du "bien-être "animal en abattoir est un réel problème et que tant les exploitants (ce qui n'est pas étonnant) que les parlementaires (ce qui est plus surprenant) se révèlent opposés ou à tout le moins extrêmement circonspects quant au contrôle vidéo.
La justification la plus souvent avancée est celle du risque de "flicage" des salariés. Ceci étant et cela a déjà été souvent précisé, de nombreux salariés d'autres secteurs sont filmée en permanence durant leur journée de travail (exemple en grandes surfaces) sans que cela pose autant de problème.
La justification la plus souvent avancée est celle du risque de "flicage" des salariés. Ceci étant et cela a déjà été souvent précisé, de nombreux salariés d'autres secteurs sont filmée en permanence durant leur journée de travail (exemple en grandes surfaces) sans que cela pose autant de problème.
Vivons heureux, continuons à faire ce que nous voulons et nous serons heureux...quant aux animaux ceux-ci continueront à souffrir en silence à l'abri des regards.
Source (Suisse):