Le 5 juin dernier le Conseil des Etats (l'une des deux chambres du parlement , l'autre étant le Conseil National) de la Confédération a approuvé à une très large majorité le projet du Conseil fédéral relatif à la
révision partielle de la loi fédérale sur la chasse et la protection des
mammifères et des oiseaux sauvages (loi sur la chasse,
LChP; RS 922.0).
Le projet de révision est accessible sur le lien suivant :
https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/49360.pdf
Ce vote en faveur du projet de révision par le Conseil des Etats a suscité, à juste titre, de vives inquiétudes de la part des milieux environnementalistes et animalistes.
Les grands prédateurs, en tout premier lieu le loup, sont dans le viseur des chasseurs et des éleveurs depuis quelques années.
De combien d'animaux parlons-nous ? Selon le conseiller aux Etats Robert Cramer (Verts/GE) l y aurait 45 loups, 2 ours et 200 lynx…
(cf. https://www.letemps.ch/suisse/conseil-etats-approuve-tir-loups-lynx-castors)
Selon l'article publié le 5 juin 2018 dans le quotidien helvétique Le Temps, " Le débat au Conseil des Etats a vu s’affronter deux visions de la Suisse de demain: celle, résolument urbaine, socialiste et écologiste, qui salue le retour des grands prédateurs et place la biodiversité au premier plan, et celle du bloc bourgeois et des cantons alpins, qui défendent la pratique de la chasse et privilégient avant tout les intérêts des éleveurs."
Stefan Engler qui est à la fois un homme politique et un chasseur est celui qui ,par sa motion,a porté le projet de révision de la loi.Etant chasseur il n'est pas surprenant qu'il se fasse le porte étendard d'une révision de la loi qui aille dans le sens souhaité par les chasseurs et les éleveurs.
Ce qui est regrettable c'est que, ainsi que le souligne le quotidien Le Temps certaines associations militant en faveur de la biodiversité ont initialement soutenu le projet de révision pensant qu'elles pourraient y introduire des points qui leur seraient favorables...une erreur de stratégie qu'elles risquent de regretter longtemps.
La révision soumise au Parlement Helvétique consiste notamment :
- en un important transfert des
compétences en faveur des cantons.
Art. 3, al. 1 et 2
1 Les cantons réglementent et organisent la chasse conformément aux principes du développement durable et coordonnent entre eux la planification de la chasse si nécessaire. Ils tiennent compte des conditions locales ainsi que des exigences de l’agriculture, de la protection de la nature ainsi que de la protection et de la santé des animaux. La faune sauvage est régulée de sorte à permettre la gestion durable des forêts et la régénération naturelle par des essences adaptées à la station.
2 Les cantons déterminent le régime et le territoire de chasse et pourvoient à une surveillance efficace. Ils délivrent les autorisations de chasser sur la base d’un examen de chasse, d’une preuve de la sûreté du tir, qui doit être présentée périodiquement, et d’autres exigences déterminées par le droit cantonal.
- à faciliter la régulation de certaines
espèces protégées par une plus grande pression
cynégétique.
Art. 7a Régulation des espèces protégées
1 Les cantons peuvent, après avoir entendu l’OFEV, prévoir la régulation des populations:
a. de bouquetins : durant la période allant du 1er août au 30 novembre;
b. de loups : durant la période allant du 16 septembre au 31 janvier;
c. d’autres espèces protégées que le Conseil fédéral définit comme pouvant être régulées.
2 Ces régulations ne doivent pas mettre en danger l’effectif de la population concernée et doivent être nécessaires pour:
a. protéger des biotopes ou conserver la diversité des espèces, ou
b. prévenir des dégâts considérables ou un danger concret pour l’homme lorsqu’il apparaît que des mesures de protection raisonnables ne sont pas suffisantes
L'analyse:
La Fondation "Tier im Recht ou TIR ( L'Animal dans le Droit) s'est fortement mobilisée contre ce projet de révision et a envoyé un courrier (que TIR a bien voulu m'adresser) à tous les sénateurs avant le vote afin de les mobiliser et d'attirer leur attention sur les risques liés à ce projet..
Elle a, en particulier, critiqué "la régulation
facilitée de certaines espèces protégées ainsi que l’écourtement de certaines
périodes de protection et la pression cynégétique en résultat sur les animaux
sauvages".
Selon TIR ," Le loup se trouve au centre de la discussion sur la régulation de
certaines espèces. TIR n’est pas d’accord avec l’élargissement prévu des
possibilités de réguler les futurs effectifs de loups dont les conséquences
sont actuellement absolument imprévisibles. Les modifications projetées s’appliquent
unilatéralement au loup en ignorant les mesures de prévention préconisées par
la Convention de Berne et allant dans le sens de mesures plus douces, comme par
exemple la protection des troupeaux et des mesures d’effarouchement et
sensibilisation. L’introduction de la régulation des loups n’aboutirait pas non
plus à une solution durable et elle serait inappropriée pour un évitement à
long terme des dommages aux troupeaux. La prévention des dommages et la
sécurité de la population pouvant aujourd’hui déjà être assurées par les tirs isolés
ciblés, la régulation de l’espèce n’est donc pas nécessaire et elle n’est donc
pas recevable. De plus, aucun comportement agressif des loups à l’encontre des
humains n’a été constaté à ce jour. TIR critique tout particulièrement la
possibilité d’écourter la période de régulation des 3 mois proposés par le
Conseil fédéral à 7 mois. Enfin, elle critique l’abolition de la protection du
lynx et du castor."
En cherchant à assouplir la réglementation à l'égard des grands prédateurs, le législateur ne présente pas une solution durable pour la
cohabitation des hommes et des grands prédateurs.
Selon TIR, "le fait
de tirer les fauves dès qu’ils font preuve d’un comportement typiques aux
fauves n’augmentera pas leur acceptation au sein de la population. Bien au
contraire, cela permet de conforter l’idée déjà bien ancrée que les fauves
n’ont pas leur place en Suisse. Or, la tâche du Conseil fédéral devrait plutôt
consister à encourager la compréhension pour ces grands prédateurs en
sensibilisant et en informant mieux et plus la population sur le comportement
inhérent à ces animaux et ce également afin d’éviter les conflits éventuels. "
S'agissant de la délégation de compétence aux cantons celle-ci crée une
insécurité juridique et une inégalité entre cantons.
Les cantons pourraient désormais écourter temporairement les périodes de protection ou
prendre de manière indépendante des mesures destinées à réguler certaines
espèces…et l’autorisation de l’office fédéral de
l’environnement (OFEV) ne serait plus nécessaire (Une simple audition préalable de
l’office fédéral suffirait).
TIR estime que "La
protection des animaux et des espèces sont des tâches qui relèvent de la
Confédération. Et si on accorde aux cantons de larges compétences et
d’importantes marges de manœuvre, la Confédération ne sera plus en mesure
d’assurer ses tâches en matière de protection".
Malgré ces "mauvaises nouvelles", le projet de révision contient néanmoins quelques points positifs:
- l’exigence d’une attestation selon laquelle les personnes doivent avoir les
capacités générales requises pour chasser (art. 3 al. 2 LChP)
- la nouvelle obligation consistant à rechercher ou faire
rechercher les animaux tirés qui ne sont pas tombés sur place (art. 8 al. 1 LChP).
- l’harmonisation et la
standardisation des contenus de l’examen de chasse qui devrait contenir le
thème "protection des animaux" (art. 4 LChP).
Désormais quelle est la suite de ce projet de révision ?
Le projet sera soumis à la chambre basse (Le Conseil National) du Parlement à la rentrée et peut-être (c'est une menace agitée par les milieux environnementalistes et animalistes) à un réferundum (il faut pour qu'un réferundum "facultatif" puisse se tenir 50'000 signatures réunies en 100 jours).
Rien n'est encore perdu mais le combat sera âpre ! A suivre.
On voit, à la lumière de ce projet de révision,que la cohabitation entre l'Homme et les grands prédateurs et plus largement avec la vie sauvage est compliquée, que ce soit en France (où elle l'est particulièrement) mais aussi dans des pays plus "civilisés" en terme d'acceptation de la biodiversité comme la Suisse.
On voit aussi que les lobbys de la chasse et de l'élevage sont puissants partout et que lorsque des progrès sont faits en matière de protection des espèces il ne faut jamais baisser la garde et considérer ces derniers comme définitivement acquis !