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Juriste .Coordinateur de EGALS (Educational Group for Animal Law Studies- http://egals.university/).Chargé d'enseignement en droit de l'animal /Université de Strasbourg. Président de TELAS Conseil -Consultant en protection animale et formateur. Profil complet sur https://www.linkedin.com/in/jean-marc-neumann-b634bb179/

samedi 30 juin 2018

Loup: le nombre de loups "dont la destruction"est autorisée porté à 43 individus !

On se souvient du nouveau Plan Loup 2018-2023 très contesté car ne satisfaisant ni les défenseurs du loup ni les éleveurs. 

L'objectif de ce plan est, au bout de 5 ans, de parvenir à une population considérée comme "viable" de 500 individus (chiffre a priori, selon certains spécialistes de l'animal comme étant notoirement insuffisant une population viable devant se composer d'au moins 1500 individus).

Les mesures pour "protéger l'espèce canis lupus" et "encadrer les mesures de défense"prévoient pour 2018 un plafond de 40 individus dont, je cite, la "destruction est autorisée".

Dès 2019 le plafond de 10% de la population "avec possibilité de relèvement de 2% par le préfet coordonnateur en cas d'atteinte du plafond avant la fin de l'année civile et de dommages particulièrement importants"

Le récent rapport de juin 2018 de l'ONCSF a fait état d'une population de 430 individus sur le territoire. C'est une nouvelle réjouissante qui montre que le loup se sent bien en France…Oui mais comme souvent, une bonne nouvelle peut en cacher une mauvaise.

Par arrêté en date du 25 juin 2018, le préfet de la Région Rhône-Alpes en sa qualité de "Préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup et les activités d'élevage" a décidé que:

"Le nombre de loups(mâles et femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l'ensemble des dérogations déjà accordées par les préfets ou qui pourront être accordées par eux, initialement de 40 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018,est portée à 43."

A ce jour (voir lien de Férus ci-dessous) le nombre de loups tués et décomptés s'élève à 11 (10 en vertu d'une autorisation préfectorale,1 par braconnage) selon détail donné par Férus ci-dessous :

Dans le cadre d’autorisations préfectorales :
  • Juin (Savoie) : 1 loup abattu. 
  • Mai-juin (Alpes-Maritimes) : 3 loups abattus. 
  • Mai (Savoie) : un loup abattu.
  • 25 avril (Alpes-Maritimes) : une louve abattue par la brigade loup (TDR). 
  • 17 avril (Var) : un loup mâle abattu par la brigade loup sur Canjuers (TDR)
  • 14 mars (Var) : une louve abattue par la brigade loup sur Canjuers (TDR)
  • 21 février (Var) : un loup abattu à Canjuers par la brigade loup (TDR). 
  • 20 février (Var) : un loup abattu à Canjuers par la brigade loup (TDR). 
A ce chiffre s'ajouteraient, selon Cap Loup, 9 loups morts sans preuve de braconnage et qui ne sont pas décomptés, ce qui porterait donc le chiffre total à 20 loups morts en France en 2018.


Il est regrettable que, aussitôt connue la "bonne santé" de la population lupine en France, le Préfet coordonnateur s'empresse de relever le nombre d'individus pouvant être "détruits"...



Bilan du suivi hiver 2017-2018 de l'ONCSF:


http://www.oncfs.gouv.fr/Espace-Presse-Actualites-ru16/Flash-info-du-Reseau-Loup-Hiver-2017-2018-ar2014


Arrêté du 25 juin 2018:


http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/20180625_ap_signe_prefet.pdf


Plan loup 2018-2023:




Arrêté du 19 février 2018:


https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036619318&dateTexte=&categorieLien=id


Férus:


https://www.ferus.fr/actualite/mortalite-des-loups-2018


Cap Loup:


http://www.cap-loup.fr/actualites/bilan-des-loups-tues/

vendredi 29 juin 2018

Finlande: une proposition de modification de la Constitution pour y inclure la protection des animaux

L'association finlandaise des juristes en droits des animaux "Suomen eläinoikeusjuristit ry" vient de rédiger une proposition de modification de la constitution nationale pour y inclure un chapitre consacré à la protection des animaux.

Le travail a été réalisé par les universitaires Birgitta Wahlberg,Visa Kurki,Susanna Pirilä,Tarja Koskela,Albert Jäntti et Roope Kanninen.


Vous pourrez (pour les anglophones) découvrir l'intégralité du texte très complet sur le site de l'association auquel vous pourrez accéder sur le lien : https://www.elaintenvuoro.fi/


Pour les non anglophones je traduis ci-après les quatre sections de la proposition de révision constitutionnelle.



Section 1 "La protection des animaux"


"Les animaux sont des êtres sentients et doivent être respectés par les humains.
Les intérêts et besoins individuels des animaux doivent être pris en compte dans toutes les décisions susceptibles d'avoir un impact significatif sur leurs conditions de vie. 
Les animaux disposent de la capacité juridique. La représentation légale des animaux est précisée par la loi.
Le respect des droits, du bien-être et de la protection des animaux est de la responsabilité de chacun.


Section 2 "Les droits élémentaires des animaux sauvages"


Un animal sauvage a droit à la vie et de vivre en liberté, dans son habitat naturel.
Un animal sauvage a le droit de recevoir une aide s'il est malade, blessé ou est autrement en état d'incapacité.
Si l'animal est dans une situation telle que le garder en vie est objectivement cruel, l'animal a droit à être euthanasié.
Les animaux doivent,dans ces cas, être tués dans les conditions spécifiées par la loi.


Section 3 "Les droits élémentaires des animaux dépendant des soins de l'être humain"


Un animal a droit à la vie ainsi que le droit d'exprimer ses comportements naturels et à ce que ses besoins élémentaires soient satisfaits .
Un animal dispose du droit de ressentir et d'exprimer des émotions positives, ainsi que du droit d'être protégé de la peur, de la douleur, de l'angoisse et de la souffrance causées par les humains.
Un animal a droit à être nourri et abreuvé d'une façon adaptée au maintien de son bien-être et de sa santé.
L'animal a le droit de décider du moment auquel il se nourrira et s'abreuvera.
Un animal a droit à un environnement de vie adapté incluant un abri et une aire de repos.
Un animal a droit à un traitement approprié sans délai.


Section 4 " Interdiction de l'élevage des animaux"


Un animal ne peut être élevé d'une façon qui pourrait causer,à lui ou a sa descendance ,
des dommages physiques ou psychologiques ou empêcher le comportement naturel de sa descendance. 



Section 5 "La sauvegarde des droits fondamentaux des animaux"


Les autorités doivent veiller au respect des droits fondamentaux des animaux.

A noter que le fondement de chacune des dispositions figurant dans la proposition est détaillé sous chaque section afin d'en comprendre la signification et la portée.

La proposition devrait être remise aux parlementaires finlandais à l'automne. 

Les étapes seront les suivantes: 

Les auteurs de la proposition de révision constitutionnelle vont exercer un lobbying actif auprès du Parlement finlandais afin que les parlementaires s'en saisissent, l'inscrivent à l'ordre du jour et lancent la procédure législative.

Initiative intéressante à suivre ! 

L'inscription de la "protection animale" dans une constitution (qui est, rappelons-le, le texte le plus important du système juridique d'un pays) serait un formidable outil pour faire cesser des pratiques contraires à la protection des animaux.Toute législation ou règlementation qui porterait atteinte au principe consacré par la constitution deviendrait inconstitutionnels  !

A ce jour seule une poignée de pays dans le monde, en l'occurrence l'Inde, le Brésil, l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche et le Luxembourg ont incorporé la protection animale dans leurs constitutions.

L'idée fait aussi son chemin en France., du moins dans les esprits éclairés de certains juristes et universitaires.

Inutile de préciser qu'une révision constitutionnelle en France sur ce sujet, compte tenu des règles applicables en la matière (Seuls le Président de la République et les membres du parlement peuvent l'initier puis la révision doit être approuvée par référendum en cas de révision à l'initiative des parlementaires soit, s'il s'agit d'une initiative du Président de la République, par référendum ou majorité des 3/5ème des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réuni en Congrès), est très peu probable. 

On voit bien que cela n'est encore, en France, qu'un doux rêve compte tenu du manque évident de volonté politique.










mercredi 27 juin 2018

Il s'appelait "Azur Rouge". C'était un beau cheval...

Il s'appelait "Azur Rouge".C'était un beau cheval. 

Il avait 8 ans, il était né en 2010.



Cela ne vous rappelle t-il pas la chanson "Stewball"de Hugues Auffray?

L'histoire est aussi triste mais elle est encore plus tragique.



Qui était Azur Rouge ?



C'était un cheval de course de haut niveau même, dit-on, l'un des meilleurs de sa spécialité (le plat).

Il avait remporté 6 victoires et avait été placé 12 fois.Il méritait une retraite que son propriétaire un jeune homme de 21 ans pensait pouvoir lui offrir.

Une annonce avait été passée sur le site de vente en ligne "Le Bon Coin".
Un individu s'était présenté,il inspirait manifestement confiance et, beau parleur, promettait une "belle retraite" à Azur Rouge…Il le lui a vendu pour 600€...
Azur Rouge est ainsi parti sereinement...vers sa "retraite" qui s'est avérée être l'abattoir !
Selon ce que l'on sait (voir les articles indiqués en pieds de page), le 20 juin, le propriétaire découvre que Azur Rouge est déclaré mort auprès des Haras Nationaux. 
Après enquête, il apparait que l'acquéreur du cheval est une personne notoirement connue de la justice depuis 2013 pour approvisionner un réseau belge de trafiquants de chevaux. 
Il s'agit du tristement célèbre maquignon Jean D... demeurant à Carignan près de Sedan dans les Ardennes.
L'activité du fameux réseau belge est de "réinjecter" des chevaux impropres à la consommation (chevaux utilisés en expérimentation animale ou pour produire des sérums antivenimeux par l'industrie pharmaceutique ,anciens chevaux de course, etc.) dans le circuit alimentaire. 
Le réseau falsifiait les papiers des chevaux et les envoyaient à l' abattoir . Plus de 4500 chevaux et autant de propriétaires en ont été les innocentes victimes. 
Ce scandale a été révélé le 30 août 2013 et avait soulevé une forte émotion.
L'escroc Jean D.,un "retraité" de 74 ans à l'époque, avait sur une période de 3 ans acheté à bas prix puis revendu au réseau belge 423 chevaux (cf.article Cheval-Savoir référencé ci-dessous).
Jean D. avait comparu devant le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières le 1er décembre 2013 pour abus de confiance et travail dissimulé.
Sur les centaines de propriétaires abusés par les propos séduisant de Jean D. qui promettait pour les chevaux une retraite paisible en Normandie, seule une trentaine avait déposé plainte.
La décision rendue à l'encontre de Jean D. fut, pour le moins, très (trop) clémente; qu'on en juge:
- 12 mois de prison dont 3 ferme,
- une mise à l'épreuve de trois ans.
Pour les faits qui lui étaient reprochés, Jean D. risquait une peine bien plus sévère: 3 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende. 
A cela s'ajoutait qu'il devait indemniser les victimes à hauteur de la valeur de chaque cheval.
Manifestement, la clémence,pour le moins très surprenante, de la justice (peut-être  les magistrats ont-ils été séduits également par le bagou de l'escroc) n'a pas su dissuader Jean D. de continuer ou plutôt en l'espèce de ne pas reprendre son activité illégale et immorale…
La preuve en est aujourd'hui apportée avec l'affaire Azur Rouge !
Au-delà de l'aspect extrêmement choquant sur le plan affectif pour les propriétaires abusés, les agissements de Jean D.posent un vrai sujet de santé publique: le trafic qu'il approvisionne injecte des chevaux impropres à la consommation dans le circuit alimentaire !
Le monde du cheval est un milieu "spécial" pour être courtois et mesuré.Beaucoup (trop) d'individus douteux, y compris des éleveurs et vétérinaires, se livrent hélas à des affaires peu recommandables dont les premières victimes sont, bien entendu, les chevaux.
Ces sinistres personnages peuvent se livrer à de tels trafics en grande partie en raison de la crédulité des propriétaires qui pensent offrir une retraite paisible à leurs chevaux moyennant un prix de cession très bas voire gracieusement….grosse erreur ! Les escrocs par définition sont des individus inspirant confiance et qui savent séduire.
Il est extrêmement tentant pour des escrocs d'acheter de tels chevaux puis de les revendre ensuite au prix du kg de carcasse de cheval , générant au passage de substantiels gains à leur profit.
Le géant pharmaceutique Sanofi (qui n'est pas un particulier naïf) avait également été abusé en 2013 lorsqu'il cédait gracieusement les chevaux (utilisés pour produire des sérums antivenimeux) à des "particuliers" pour finir leur  courte vie dans les abattoirs !
Que faire pour faire cesser ou du moins rendre moins attractif ces trafics ?
- lancer une campagne de prévention par la sensibilisation des propriétaires de chevaux aux risques encourus en cas de cession gracieuse ou à bas prix de leurs chevaux à des inconnus; cela peut être fait par les autorités et des associations de protection des animaux;
- recommander aux propriétaires de se méfier de sites de ventes en ligne ("le Bon Coin" par ex;) sur lesquels sévissent de nombreux escrocs
- mettre en place une veille et des contrôles bien plus efficaces des autorités sanitaires;
- veiller à une (plus) grande réactivité des services de police et de gendarmerie en cas de suspicion de trafic;
- prononcer des décisions de justice exemplaires; on a vu ci-dessus que Jean D. n'avait été condamné qu'à une peine extrêmement "clémente". Cela n'a pu que l'encourager à persévérer. 
S'agissant de la "fin de vie des chevaux" et de la règlementation applicable, je vous invite à vous reporter à mon article paru dans la Revue Semestrielle de Droit Animalier (RSDA)

Affaire à suivre ! Nous verrons si, cette fois, la Justice saura enfin faire preuve de sévérité à l'égard de Jean D. pour lui faire "passer" définitivement l'envie de poursuivre son sinistre commerce?

Il s'appelait "Azur Rouge". C'était un beau cheval. 


Sources:


Sur le dossier "Azur Rouge":


https://www.paris-turf.com/actualites/azur-rouge-victime-dun-trafic-de-chevaux-200832
https://www.republicain-lorrain.fr/justice/2018/06/26/trafic-de-chevaux-nouvelle-victime


Sur le trafic du réseau belge en 2013:


http://www.cheval-savoir.com/1460-chevaux-abattoir-fraude-retraite
http://www.cheval-savoir.com/1837-fraude-retraite-vieux-chevaux-jugement-clement


RSDA (Page 371 et s.):


http://www.unilim.fr/omij/files/2016/12/RSDA_1_2016.pdf



lundi 25 juin 2018

Suisse: augmentation du nombre de condamnations pour actes de cruauté

Selon l'article paru le 24 juin 2018 dans le journal suisse "Tagesanzeiger", le "Bundesamt für Statistik" (L'Office Fédéral des Statistiques) vient de livrer ses statistiques en matière d'actes de cruauté sur animaux desquelles il ressort que l'année 2017 a vu le nombre de condamnations pour actes de cruauté sur animaux fortement augmenter…

Le nombre a même triplé en l'espace de 10 ans pour atteindre le nombre de 474 en 2017 (contre 167 en 2007).

Pour que les choses soient claires il ne s'agit pas, dans la très grande majorité, de cas de simple négligence mais d'actes intentionnels qui représentent 82 % des condamnations. 

Comment interpréter ces chiffres ? faut-il s'inquiéter ou y voir un signe positif ?

Selon la Fondation "Tier im Recht" ("L'animal dans le Droit") citée dans l'article,cette augmentation est plutôt encourageante car elle signifie que les citoyens helvétiques sont plus attentifs et hésitent moins à alerter la police lorsqu'ils sont témoins ou suspectent des actes de cruauté. 

Sachant que de tels actes sont généralement exercés à l'abri des regards,l'attention de la population et sa réactivité sont essentielles pour poursuivre les auteurs.

Qui en sont les victimes ?

Il s'agit essentiellement d'animaux de compagnie (1491 sur un total de 2368 /chiffres de 2016);les animaux de rente, quant à eux, étaient au nombre de 620. 

Qui en sont les auteurs ? 

Selon le Professeur Markus Wild,Professeur de philosophie animale à l'université de Bâle cité dans l'article du Tagesanzeiger, il s'agit principalement d'individus introvertis qui ont peu de véritables contacts sociaux. L'animal de compagnie leur est plus proche que la plupart des humains.Les animaux qui vivent à leur côté sont le réceptacle de toutes les émotions même les plus négatives et ils en paient parfois le prix.

Malheureusement, si le nombre de condamnations augmente, force est de constater que dans les faits les auteurs n'ont pas à craindre des peines sévères. 

En effet, si en théorie,la peine en cas d'acte de cruauté sur un animal peut aller jusqu'à 360 jours amende et 3 ans d'emprisonnement, dans la pratique la sanction moyenne en 2016 était de 30 jours amende…

Qu'est-ce donc que le "jour amende" selon le droit pénal suisse ? 

Il s'agit d'une peine pécuniaire déterminée par l’autorité judiciaire en tenant compte de la capacité financière de l’auteur.
L'autorité déterminera le revenu journalier moyen net de l'individu en tenant compte de son revenu, de son patrimoine et de ses charges(contributions sociales,entretien de la famille, loyer, impôts notamment). 
Le maximum pouvant être retenu par les tribunaux est de 3000 CHF par jour; ainsi 30 jours amende peuvent, au maximum pour un individu fortuné,représenter 90'000 CHF.

A noter qu'il n'y a eu en 2016 (ni d'ailleurs au cours des années antérieures)aucune condamnation à une peine de prison ferme ou avec sursis.

Dans l'article du Tagesanzeiger l'avocat suisse Lukas Berger estime qu'il ne sert à rien que les citoyens signalent des actes de cruauté si la justice n'agit pas énergiquement.
L'avocat regrette également le manque de formation et de compétence des magistrats lorsqu'il s'agit d'animaux. Les poursuites sont plus facilement abandonnées ou, en cas de doute, les peines se limitent à une amende de faible montant.

A  retenir:

- la population en Suisse est davantage que par le passé sensibilisée aux actes de cruauté sur animaux et hésitent beaucoup moins à alerter les autorités;

- les poursuites ont augmentées de façon notable mais les sanctions restent trop légères (en moyenne 30 jours amende);

- la formation insuffisante en droit animalier des magistrats est, en partie au moins, à l'origine de la faiblesse des sanctions et du manque d'énergie à exercer des poursuites;

- si l'on compare la France à la Suisse, on constate que si le droit suisse est généralement et à juste titre présenté comme étant plus "protecteur" des animaux que le droit français, les magistrats sont aussi frileux lorsqu'il s'agit de prononcer des sanctions contre les auteurs d'actes de cruauté. 
Encore faut-il nuancer ce dernier constat et noter l'évolution très encourageante en France observée au cours des deux dernières années (en fait depuis la reconnaissance en 2015 de la sensibilité des animaux par le Code Civil et leur exclusion de la catégorie des biens).

Source:

https://www.tierimrecht.org/documents/2872/SonntagsZeitung-2018-06-24-Zahl-der-Tierquaeler-steigt-stark.pdf


dimanche 24 juin 2018

Turquie: un fait divers soulève la question des droits des animaux






Ces images ont fait le tour du monde. Un chiot errant de race labrador a été retrouvé par un promeneur dans le district de Sapanca situé dans la province occidentale de Sakarya en Turquie le 13 juin dernier . Ses quatre pattes avaient été sectionnées.
Le chiot malgré tous les soins qui ont pu lui être apportés dans une clinique spécialisée à Istambul n'a pu survivre et est décédé 2 jours après. Ses pattes, selon le vétérinaire qui l'a soigné, Dr. Berktuğ Çiftçi, avaient sans doute été coupées à la hache...
Cet acte odieux a soulevé, dans un pays pourtant peu ouvert à la protection animale, une très vive émotion et s'est invité dans la campagne pour les élections présidentielles en cours.
Les associations de protection animale ,notamment la Stray Animals Society (SOHAYKO) ont demandé que le coupable soit activement recherché et puni sévèrement.
A la suite d'une très forte mobilisation des forces de police, le procureur compétent localement,M. Lütfi Dursun, a annoncé le 16 juin l'arrestation d'un individu  qui a été placé en détention le 17 juin selon l'agence de presse Doğan News Agency.


Le Gouverneur de la province de Sakarya İrfan Balkanlıoğlu a déclaré le 16 juin que les circonstances n'étaient pas encore claires et ne pouvait,en l'état, se prononcer sur le fait qu'il s'agit d'un acte de cruauté ou d'un accident…Selon le gouverneur il n'est pas exclu que le chiot ait pu être happé par le camion de chantier que conduisait le suspect. L'enquête est en cours.


Ce fait divers d'une très forte médiatisation et qui a suscité une immense émotion a posé une fois de plus la question de la protection animale en Turquie. De nombreux politiciens sont intervenus pour demander que la souffrance animale soit enfin prise en compte et que des sanctions exemplaires soient prononcées dans les cas de violences à l'égard de chiens errants.

Le président Recep Tayyip Erdoğan s'est engagé le 16 juin à renforcer la règlementation en matière de protection animale. 
Selon le journal "Hurriyet daily news" (http://www.hurriyetdailynews.com/turkey-to-pass-new-law-after-puppys-killing-stirs-outrage-133381), il aurait tweeté :  

“Protecting animals is not only a task, but also part of our belief, our humanity. Animals are not a commodity, but a living being,” ( Protéger les animaux est non seulement un devoir mais également fait partie de notre croyance , de notre humanité. Les animaux ne sont pas des choses mais des êtres vivants).

Le président turc a annoncé qu'un projet de nouvelle loi sur la protection animale serait l'une des priorités après les élections de ce jour 24 juin.

Selon le député du parti au pouvoir "Justice and Development Party" (AKP) M. Lütfiye Selva Çam la première tâche du parlement après les élections sera de voter une nouvelle loi beaucoup plus contraignante.

Rappelons que la loi actuelle date de 2004 ("Animal Protection Act [No. 5199]) ;voir
http://www.lawsturkey.com/law/5199-animal-protection-law

La Turquie dans l'Animal protection Index de l'API est classée "E" (la France est classée "C" et l'Autriche "A"). Voir :https://api.worldanimalprotection.org/country/turkey

En 2017, le député de l'opposition Sezgin Tanrıkulu avait tenté de créer une commission d'enquête sur les cas de violences contre les animaux et avait soumis une proposition de loi prévoyant jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Hélas, ce texte fut rejeté par la majorité en place soutenant Erdogan (AKP).

Un nouveau projet de loi a été soumis dès avril 2018 au Parlement. 

Selon celui-ci :

- les animaux ne seraient plus des biens.
- toute personne exerçant des actes de cruauté à l'encontre d'animaux sera punie de peines d'emprisonnement allant de 4 mois à 3 ans. Qu'il s'agisse d'animaux de compagnie ou d'animaux errants. 
- S'il s'agit d'espèces protégées les peines iront de 3 à 7 ans d'emprisonnement;
- Si l'auteur,au cours d'une même affaire, exerce des violences à l'encontre de plusieurs animaux sa peine sera augmentée d'une fois et demi; ainsi la peine irait de 6 mois à 4 ans et pour les espèces protégées la peine pourrait aller jusqu'à 10 ans et demi d'emprisonnement.
- les personnes se livrant à des combats d'animaux seront sanctionnés par une peine d'emprisonnement allant de 2 mois à 2 ans.
Que penser de ce projet de loi ? 
Selon M.Metin Yıldırım, Président de "Association to Protect Stray Animals and Environment" (http://www.hurriyetdailynews.com/turkish-activists-slam-new-bill-on-animal-rights-as-license-to-kill-133440) les municipalités auraient toujours la possibilité de tuer des animaux errants.Il convient de préicser que selon M.Yildirim,la pratique actuelle des municipalités pour la gestion des animaux errants est de les capturer puis de les empoisonner ou de les déplacer dans des endroits sans nourriture les condamnant ainsi à la mort.
Il affirme même que la municipalité de Kayseri (dans la province d'Anatolie Centrale)  aurait enterré vivants 800 chiens et que la nouvelle loi en définitive ne changerait rien pour ces derniers. 
Pour M.Yildirim il faudrait,pour que ce scandale cesse,que les auteurs encourent une sanction minimale de 3 ans et qu'aucune autorité ne puisse en être exemptée.
Nous verrons sous peu, je l'espère, la suite réservée par le parlement turc au projet de loi et espérons que le législateur saura prendre la mesure du problème et y apporter un début de solution.
Si vous voulez en savoir davantage sur la règlementation turque en matière de protection animale, je vous conseille de lire l'excellent article "A Historical Overview of Turkey’s Animal Welfare Legislation " de Abdullah ÖZEN que vous trouverez sur le lien suivant :
http://vetdergikafkas.org/uploads/pdf/pdf_KVFD_L_2195.pdf