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Juriste .Coordinateur de EGALS (Educational Group for Animal Law Studies- http://egals.university/).Chargé d'enseignement en droit de l'animal /Université de Strasbourg. Président de TELAS Conseil -Consultant en protection animale et formateur. Profil complet sur https://www.linkedin.com/in/jean-marc-neumann-b634bb179/

jeudi 27 août 2020

"La chasse à la glu" suspendue cette année par le chef de l'état

Le président de la république a pris la décision ce jour de suspendre la chasse à la glu cette année pour les grives et les merles.

On attendait avec impatience, et à vrai dire avec une certaine curiosité, la réponse du chef de l'état sur ce sujet extrêmement controversé. 

Les écologistes (comme la commission européenne) estiment que cette chasse, bien que n'entraînant pas la mort des oiseaux (en principe du moins), est non sélective en ce que des oiseaux autres que les merles noirs et les grives peuvent être attrapés.

Les chasseurs soutenaient que la chasse en question ne conduit pas à la mise à mort et que les oiseaux attrapés étaient relâchés à la fin de la période de chasse...et le bouillonnant Willy Schraen se demandait, en un mot, de quoi se mêlait la commission. 

Rappelons que la commission européenne avait donné 3 mois à la France pour répondre à l'avis motivé de juillet dernier. La commission estime que ce type de chasse est contraire à la directive "DIRECTIVE 2009/147/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages" .

Que dit cette dernière ?

En son article 8.1, elle stipule que:

En ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d’oiseaux dans le cadre de la présente directive, les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l’annexe IV, point a)."

Annexe IV point a:

a) 

— Collets (à l’exception de la Finlande et de la Suède pour la capture de Lagopus lagopus lagopus et de Lagopus mutus au nord de 58° de latitude nord), gluaux, hameçons, oiseaux vivants utilisés comme appelants aveuglés ou mutilés, enregistreurs, appareils électrocutants, 

— sources lumineuses artificielles, miroirs, dispositifs pour éclairer les cibles, dispositifs de visée comportant un convertisseur d’image ou un amplificateur d’image électronique pour tir de nuit, — explosifs, 

— filets, pièges-trappes, appâts empoisonnés ou tranquillisants, — armes semi-automatiques ou automatiques dont le chargeur peut contenir plus de deux cartouche.

Tout le monde se demandait qui, de Willy Schraen ou de Barbara Pompili, allait sortir vainqueur de ce bras de fer. 

La ministre de la transition écologique et solidaire allait-elle avaler une nouvelle couleuvre (après le sujet des néonicotinoïdes) ?

Non pour cette fois-ci. Willy Schraen, président de la FNC en a t-il trop fait au point d'exaspérer le chef de l'état car les tensions étaient devenues extrêmement vives entre "zozos animalistes" pour reprendre une expression chère aux chasseurs et l'inénarrable patron de leur fédération nationale.

Alors, quelle(s) a (ont) été la(les)raison(s) de cette décision du président Macron ? 

Quatre éléments ont du jouer dans la prise de décision (seuls le chef de l'état, son premier ministre et sa ministre de la transition écologique en connaissent les secrets):

- une pression indéniable au plan juridique; le cas échéant, la commission pourrait engager une procédure devant la Cour de Justice de l'Union Européenne (ce qu'elle avait fait contre l'Espagne au sujet de la chasse à la glu et cette dernière avait été condamnée en 2004);

- l'exécutif voulait sans doute ne pas, une fois de plus, prendre une décision contraire à l'avis de sa ministre Barbara Pompili qui, sans aucun doute, en aurait été fragilisée et qui sait aurait peut-être quitté le gouvernement (moins sûr cependant);

- donner un gage aux "écolos" (un petit gage mais symbolique) ;

- les "sorties" intempestives, tonitruantes de Willy Schraen qui jetait de l'huile sur le feu et qui rendait le sujet hautement polémique (plus qu'il ne l'était déjà) et dangereux au plan politique. peut-être l'attitude du président de la FNC a t-elle jouée.. Pas sûr cependant qu'un "deal" secret n'ait pas été convenu entre les deux hommes: chasse à la glu contre un soutien sur un autre sujet plus déterminant pour les chasseurs.

Est-ce une victoire pour les écologistes ? 

Oui sans doute mais limitée. Il la fallait . C'était impératif compte-tenu de la pression des amis de la nature. Une "petite victoire" toutefois (de surcroît temporaire). Le sujet certes est symbolique mais est, en fin de compte, mineur. Certes cette chasse est non sélective et interdite par la directive, mais elle ne concerne que peu de monde (environ 5000 personnes) et surtout elle n'est pas l'un des principaux points de friction entre chasseurs et opposants à la chasse. D'autres combats bien plus sérieux se profilent à l'horizon : interdiction du déterrage et de la chasse à courre réclamés par les "écolos" (leur interdiction est au programme du RIP "animaux" dont nous saurons dans les mois à venir ce qu'il en adviendra). 

La chasse à courre, en particulier, est bien plus "clivante" et plus "délicate" . 

Certains soutiendront (avec une vision polémiste) que le chef de l'état a préféré sacrifier (au moins pour cette année)l es petites gens (les chasseurs à la glu sont des ruraux de condition modeste) plutôt que de lâcher la chasse à courre, activité pratiquée par des personnes bien plus aisées (et des électeurs potentiels). Les gilets jaunes contre les grandes fortunes si l'on ose la comparaison.

L'avenir nous dira si la politique du gouvernement sera plus verte et plus favorable aux animaux que jusqu'à présent. Rien n'est moins sûr.

A suivre !

Directive "oiseaux":

https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32009L0147&from=FR