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Juriste .Coordinateur de EGALS (Educational Group for Animal Law Studies- http://egals.university/).Chargé d'enseignement en droit de l'animal /Université de Strasbourg. Président de TELAS Conseil -Consultant en protection animale et formateur. Profil complet sur https://www.linkedin.com/in/jean-marc-neumann-b634bb179/

vendredi 29 décembre 2017

REQUIEM POUR LA PROTECTION ANIMALE EN FRANCE

L'année 2017 s'achève sur un constat extrêmement décevant en France en matière de protection animale.

Que faut-il finalement retenir de cette année ?

Si le début d'année, sous "l'ancien régime" était plutôt prometteur, la suite, hélas, a brutalement calmé notre enthousiasme.

1) Proposition de loi Falorni:

Le 12 janvier la proposition de loi Falorni relative au respect de l'animal en abattoir (Texte n° 4203 de MM. Olivier FALORNI, Gérard CHARASSE, Jérôme LAMBERT, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Alain TOURRET, Joël GIRAUD, Paul GIACOBBI, Mmes Dominique ORLIAC, Sylvia PINEL, MM. Jacques KRABAL, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Mme Jeanine DUBIÉ, MM. Jean-Noël CARPENTIER, Ary CHALUS, Thierry ROBERT, Jean-Pierre MAGGI, Mme Gilda HOBERT et M. Stéphane CLAIREAUX, déposé à l'Assemblée Nationale le 9 novembre 2016) avait été adoptée par l'Assemblée Nationale par 28 voix sur 32 (nous avions déjà souligné à l'époque le manque d'enthousiasme des députés à l'égard de ce texte).
Cette proposition, pour mémoire, faisait suite au rapport n° 4312 de M. Olivier FALORNI, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 14 décembre 2016 et qui avait formulé 65 propositions diverses pour améliorer la situation dans les abattoirs à la suite des dysfonctionnements révélés par les vidéos de L214.
La proposition de loi était en soi déjà très décevante car la seule recommandation significative pour la protection des animaux retenue était la mise en place de caméras vidéo dans les abattoirs.
Le texte avait été transmis au Sénat le 13 janvier 2017...et depuis il n'a jamais été mis à l'ordre du jour de la haute assemblée.
On peut dire, sans se tromper, que la proposition de loi (les mesures visées devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2018) est morte.
On voit hélas que le rapport de la commission parlementaire (qui avait mobilisé de nombreux experts, procédé à une centaine d'auditions ) demeurera sans suite. Le manque d'enthousiasme des politiciens sous la majorité précédente (Le ministre Le Fol était opposé à la proposition de loi) et le total désintérêt de la nouvelle majorité pour la protection animale ont conduit à ce triste résultat... 
Si les animaux d'abattoir sont les premières victimes de cette situation, les professionnels du secteur le seront également; la politique à courte vue de la filière et des personnels politiques qui la soutiennent ne manqueront pas d'avoir des conséquences sur la consommation et la confiance des consommateurs "responsables".
Rappelons qu'au Royaume-Uni le gouvernement (pourtant conservateur !), à la suite d'une large consultation publique (entre août et septembre 2017)  vient d'ordonner la mise en place de caméras vidéos dans tous les abattoirs à partir de  2018 (voir: https://www.gov.uk/government/news/cctv-to-be-introduced-in-all-slaughterhouses-in-england-in-2018) et les enregistrement devront être conservés durant 90 jours (contre 30 dans la proposition Falorni).
Comment la Royaume-Uni a t-il pu se décider aussi rapidement, sans commission parlementaire qui dure des mois, à mettre en place une telle mesure ? pourquoi la France n'est-elle pas capable d'en faire autant ? Apparemment la démocratie est plus solidement ancrée au Royaume-Uni qu'elle ne l'est dans notre pays et sans doute les lobbys prennent-ils moins en otages les personnels politiques que chez nous.
Au Royaume-Uni même une majorité conservatrice est en mesure de faire avancer la protection animale !
Tout est question de volonté et en France, hélas, celle-ci n'est pas au rendez-vous.
Et la majorité en place ne montre aucune velléité de faire avancer la protection animale. A priori seule l'économie semble constituer sa feuille de route.

2) L'arrêté du 3 mai 2017 fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements présentant au public des spécimens vivants de cétacés :

Ségolène Royal avant le premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait surpris beaucoup de monde avec cet arrêté qui condamne à moyen terme les delphinariums.
Autant il a comblé les opposants à la captivité des cétacés , autant il a provoqué la colère des exploitants de delphinariums. Pensez donc! obliger les delphinariums à investir en moyenne 10 millions d'euros en 3 ans pour une activité condamnée à moyen terme !
Il n'était donc pas surprenant que les exploitants attaquent l'arrêté devant les juridictions administratives ce qui fut fait.
Le Conseil d'Etat par une décision du 1er août 2017
(http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Etablissements-presentant-au-public-des-specimens-de-cetaces) a suspendu une mesure, celle relative à l'interdiction du chlore 6 mois après la publication de l'arrêté soi en novembre 2017)...pour le reste le Conseil d'Etat devait se prononcer "à la rentrée"...A ce jour toujours aucune nouvelle
Si l'on est en droit d'espérer que l'arrêté de 2017 sera maintenu par le Conseil d'Etat , il n'y a cependant aucune certitude à cet égard ; si cet arrêté était annulé par la plus haute juridiction administrative cela signifierait le retour aux dispositions de l'arrête de 1981 totalement obsolète !
 
A suivre !
 
A part les deux points ci-dessus ,il convient de citer parmi les avancées en matière de protection animale en France en 2017, la condamnation, pour la première fois, d'un abattoir et d'un employé d'abattoir pour actes de cruauté (http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/04/28/maltraitance-a-l-abattoir-du-vigan-le-principal-prevenu-condamne-a-huit-mois-de-prison-avec-sursis_5119215_1652692.html).
 
Y a t-il des raisons d'espérer une avancée en matière de protection animale en France sous la majorité actuelle et à court terme ?
 
Autant la condition animale a, au cours des trois dernières années, fait la une des journaux et l'objet de nombreux colloques et livres qui laissaient espérer de rapides progrès, autant l'arrivée d'une nouvelle majorité a t-elle marqué l'entrée de notre pays dans une période de "glaciation" dont nous ne sommes pas prêts de sortir...
 
Toute la politique de la nouvelle majorité est  résolument orientée "business" au détriment des avancées sociales et sociétales.
 
La nouvelle majorité n'a pas jusqu'à présent (en dehors de la voix parfois discordante de N.Hulot) montré aucun intérêt pour la condition animale. Au contraire même; notre président n'hésite pas à s'afficher auprès des chasseurs et de montrer des signes en faveur des lobbys opposés à toute amélioration de la condition  animale.
 
Et pourtant il y a de nombreux chalenges à relever ( Loups, animaux sauvages dans les cirques, chasse à courre, élevage industriel ..). Or, sur tous ces sujets on ne sent aucune volonté de la part du gouvernement de faire avancer les choses ( à l'exception de N.Hulot qui de temps à autres ose afficher sa position personnelle, que ce soit sur la chasse à courre ou la présence d'animaux sauvages dans les cirques).
 
En même temps, il n'y a pas lieu d'être surpris; E.Macron n'a pas caché durant la campagne présidentielle son total désintérêt de la condition animale . Il n'y a donc aucune véritable surprise. Hélas.
 
Tout est question de volonté et d'audace.Or, en matière de protection animale, le moins que l'on puisse dire est que la gouvernement actuel en manque.
 
L'année 2018 s'annonce d'ores et déjà comme une nouvelle année "perdue" qui ne verra aucune avancée en faveur de la condition animale....en dépit de toute l'énergie déployée par les associations de protection animale et la mobilisation de nombreux citoyens.
 
A force de ne pas écouter la voix de nombreux citoyens et à n'écouter que les lobbys (notamment celui de la chasse), l'on risque de voir se multiplier des actions plus radicales (comme celles de 269Libération animale) et peut-être plus violentes.