Une initiative visant à introduire dans la constitution cantonale de Bâle-Ville des droits fondamentaux pour les primates devrait donner lieu à une "votation" des citoyens en 2022.
Je vous invite à lire l'article intéressant de Swiss Community et les propos de Charlotte Blattner et du Prof.Peter Kunz.
La Suisse donne volontiers l'image d'un pays très évolué en matière de protection animale avec, en particulier, l'inscription dans sa constitution de la "dignité de l'animal".
La réalité est plus nuancée.
Certes, sa législation est l'une des plus avancée au monde; cependant, l'animal y est toujours traité non pas comme une chose (car l'animal selon le Code Civil art.641a CC :« les animaux ne sont pas des choses ») mais comme un bien.
En outre, les tribunaux répressifs en Suisse ne sanctionnent que relativement peu (en volume) les mauvais traitements et actes de cruauté alors qu'il existe un arsenal juridique important.
Enfin, la fameuse "pesée des intérêts" (entre les intérêts humains et ceux des animaux) à laquelle la notion de dignité de l'animal doit donner lieu se fait le plus souvent au profit des intérêts humains.
Comme le souligne Charlotte Blattner dans l'article de Swiss Community, il est temps de s'interroger et de débattre sur la mise en place de relations plus équilibrées entre humains et animaux.
L'occasion en est donnée à Bâle-Ville.
Le texte proposé par cette initiative de Sentience Politics (une ONG) a pour objet d'accorder des droits fondamentaux aux primates . Il s'agirait d'introduire au § 11 de la constitution cantonale la disposition suivante qui deviendrait un point "c":
c. le droit des primates non humains à la vie et à l'intégrité physique et mentale.
Il convient d'espérer un débat serein et qui sorte des caricatures et postures auxquelles l'idée (celle d'accorder des droits fondamentaux à des non-humains) donne souvent lieu.
Le premier succès est déjà que cette initiative puisse donner lieu à une votation. C'est bien là l'un point fort de la démocratie suisse.
On peut évidemment soutenir que le sujet ne porte que sur des primates "non humains" et non sur d'autres espèces animales voire toutes les espèces.
Spécisme ou stratégie ?
Il est certain que les citoyens, compte-tenu de l'appartenance des primates non-humains à la même famille, devrait rendre l'idée plus acceptable. C'est bien pour cela que l'on vise les primates non humains.
Les droits fondamentaux dont il s'agit sont évidemment très "basiques" mais essentiels. La formulation permet toutefois d'aller très loin dans la prohibition des actes et pratiques qui leur seraient contraires.
Bien sûr cela voudrait dire, en théorie, que l'exploitation de ces primates, sous quelque forme que ce soit, pourrait en cas de succès de l'initiative, être prohibée.
Cependant, le tribunal fédéral (Saisi par le Grand Conseil Bâlois qui ne voulait pas que la constitution cantonale puisse le cas échéant violer le droit de la Confédération) a décidé l'an passé que seul le Canton et ses administrations pourraient le cas échéant être tenus par le résultat de la votation , non les sociétés privées.
Cela, ainsi que le souligne l'article de SwissCommunity, signifie que les sociétés ne risquent pas d'être impactée le cas échéant si ce n'est de façon indirecte. Donc les sociétés pharmaceutiques et le zoo de Bâle ne seront pas inquiétés.
Cela reste néanmoins un projet qui dépasse le caractère purement symbolique.
Le débat constituera une occasion unique, certes à petite échelle, de débattre de façon démocratique de la question des droits fondamentaux pour les animaux ou du moins certains d'entre eux. Un réel progrès qui mérite toute notre attention.
Nous ne sommes pas prêts de voir pareil débat s'ouvrir en France. Pour de multiples raisons.