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Juriste .Coordinateur de EGALS (Educational Group for Animal Law Studies- http://egals.university/).Chargé d'enseignement en droit de l'animal /Université de Strasbourg. Président de TELAS Conseil -Consultant en protection animale et formateur. Profil complet sur https://www.linkedin.com/in/jean-marc-neumann-b634bb179/

jeudi 15 avril 2021

Suisse / canton de Bâle-Ville / Initiative en vue de l'attribution de droits fondamentaux aux primates non humains

Une initiative visant à introduire dans la constitution cantonale de Bâle-Ville des droits fondamentaux pour les primates devrait donner lieu à une "votation" des citoyens en 2022.

Je vous invite à lire l'article intéressant de Swiss Community et les propos de Charlotte Blattner et du Prof.Peter Kunz.

La Suisse donne volontiers l'image d'un pays très évolué en matière de protection animale avec, en particulier, l'inscription dans sa constitution de la "dignité de l'animal". 

La réalité est plus nuancée. 

Certes, sa législation est l'une des plus avancée au monde; cependant, l'animal y est toujours traité non pas comme une chose (car l'animal selon le Code Civil art.641a CC :« les animaux ne sont pas des choses ») mais comme un bien.

En outre, les tribunaux répressifs en Suisse ne sanctionnent que relativement peu (en volume) les mauvais traitements et actes de cruauté alors qu'il existe un arsenal juridique important. 

Enfin, la fameuse "pesée des intérêts" (entre les intérêts humains et ceux des animaux) à laquelle la notion de dignité de l'animal doit donner lieu se fait le plus souvent au profit des intérêts humains.

Comme le souligne Charlotte Blattner dans l'article de Swiss Community, il est temps de s'interroger et de débattre sur la mise en place de relations plus équilibrées entre humains et animaux.

L'occasion en est donnée à Bâle-Ville.

Le texte proposé par cette initiative de Sentience Politics (une ONG) a pour objet d'accorder des droits fondamentaux aux primates . Il s'agirait d'introduire au § 11 de la constitution cantonale la disposition suivante qui deviendrait un point "c":

c. le droit des primates non humains à la vie et à l'intégrité physique et mentale.

Il convient d'espérer un débat serein et qui sorte des caricatures et postures auxquelles l'idée (celle d'accorder des droits fondamentaux à des non-humains) donne souvent lieu.

Le premier succès est déjà que cette initiative puisse donner lieu à une votation. C'est bien là l'un point fort de la démocratie suisse.

On peut évidemment soutenir que le sujet ne porte que sur des primates "non humains" et non sur d'autres espèces animales voire toutes les espèces. 

Spécisme ou stratégie ? 

Il est certain que les citoyens, compte-tenu de l'appartenance des primates non-humains à la même famille, devrait rendre l'idée plus acceptable. C'est bien pour cela que l'on vise les primates non humains. 

Les droits fondamentaux dont il s'agit sont évidemment très "basiques" mais essentiels. La formulation permet toutefois d'aller très loin dans la prohibition des actes et pratiques qui leur seraient contraires. 

Bien sûr cela voudrait dire, en théorie, que l'exploitation de ces primates, sous quelque forme que ce soit, pourrait en cas de succès de l'initiative, être prohibée.

Cependant, le tribunal fédéral (Saisi par le Grand Conseil Bâlois qui ne voulait pas que la constitution cantonale puisse le cas échéant violer le droit de la Confédération) a décidé l'an passé que seul le Canton et ses administrations pourraient le cas échéant être tenus par le résultat de la votation , non les sociétés privées. 

Cela, ainsi que le souligne l'article de SwissCommunity, signifie que les sociétés ne risquent pas d'être impactée le cas échéant si ce n'est de façon indirecte. Donc les sociétés pharmaceutiques et le zoo de Bâle ne seront pas inquiétés.

Cela reste néanmoins un projet qui dépasse le caractère purement symbolique. 

Le débat constituera une occasion unique, certes à petite échelle, de débattre de façon démocratique de la question des droits fondamentaux pour les animaux ou du moins certains d'entre eux. Un réel progrès qui mérite toute notre attention.

Nous ne sommes pas prêts de voir pareil débat s'ouvrir en France. Pour de multiples raisons.


mercredi 10 février 2021

Ours polaire / Propositions de loi autorisant l'importation des trophées d'ours polaires tués au Canada

Le sujet de l'importation aux Etats-Unis de trophées d'ours polaires abattus au Canada lors de chasses (chasse au trophée est autorisée au Canada) revient sur le devant de la scène.

Il vient de faire l'objet de deux propositions de loi de la part d'un membre de la chambre des représentants, Don Young (élu -évidemment républicain- de l'Alaska).

Elles viennent d'être introduites à la Chambre des représentants le 28 janvier 2021.

La première (HR N°630) a pour objet " to amend the Marine Mammal Protection Act of 1972 to allow importation of polar bear trophies taken in sport hunts in Canada before the date the polar bear was determined to be a threatened species under the Endangered Species Act of 1973, and for other purposes." c'est à dire de modifier le MMPA (la loi sur la protection des animaux marins) en ce que la proposition devrait autoriser l'importation de trophées d'ours polaires abattus au Canada avant que l'ours polaire ne soit classé en tant qu'espèce menacée par l'ESA (Endagered Species act de 1973).

La seconde (HR631) a pour objet " to amend the Marine Mammal Protection Act of 1972 to allow the importation of polar bear trophies taken in sport hunts in Canada." c'est à dire d'autoriser plus largement (autorisation non limitée aux trophées antérieur au classement de l'ours polaire au titre de l'ESA) l'importation de trophées d'ours polaires tués au Canada.

Rappelons que le MMPA avait été modifié par deux fois:

-  Public Law 105-18, Title V, 5004 du 12 juin 1997, 111 Stat. 187 

-  Public Law 105-42, 4(d) du 15 août 1997, 111 Stat. 1125 

afin d'autoriser l'importation de trophées d'ours tués au Canada lors de chasses sportives si le requérant (au permis d'importation) avait tué légalement l'ours avant le 30 avril 1994 ou si l'ours avait été abattu après cette date dès lors que celui-ci a été abattu au sein d'une population reconnue par les autorités comme  "durable"(donc non menacée): " to allow importation of polar bear trophy into the U.S. taken in sport hunts in Canada if the applicant legally harvested the bear before April 30, 1994 or if the bear were taken after that date, the applicant harvested the bear from populations approved as sustainable by the Service".

On voit, une fois de plus, que les chasseurs étatsuniens cherchent à nouveau à alléger la règlementation fédérale pour pouvoir se livrer à la chasse au trophée. 

Evidemment ce sont les élus les plus conservateurs, les plus rétrogrades (les républicains) qui sont à la manœuvre.

Le texte des deux propositions n'a pas encore été communiqué à la chambre des représentants. Cela devrait être le cas dans les prochaine semaines.

En cas d'adoption des propositions par la chambre des représentants, ce sera au Sénat de se déterminer. En cas d'accord des deux chambres le président américain Joe Biden devra ensuite "sign the Bill" c'est à dire signer l'acte de promulgation des textes. 

Que l'on se rassure: compte-tenu de la composition actuelle du Congrès (les deux chambres sont entre les mains des démocrates) il y a peu de risque que les propositions passent.

Ceci étant la "United States Environmental Protection Agency" (autorité fédérale de protection de l'environnement) est encore truffée de "pro-Trump" et peut très bien contester (ce qu'elle a déjà fait) toutes les argumentations même scientifiques qui démontreraient qu'autoriser l'importation serait une erreur.

On peut cependant compter sur les ONG (par ex. le "Center for Biological Diversity") pour organiser une campagne d'opposition.

Pour ma part, je considère que la chasse au trophée ou chasse "sportive" (qui n'a de sportive que le nom) est particulièrement choquante et inacceptable au plan moral; certains sont d'un avis contraire et la défendent pour diverses raisons, notamment économiques (soutien aux populations autochtones, financement des actions de conservation). 


A suivre !


hhttps://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/630/text

ttps://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/631/text

vendredi 5 février 2021

Ours en France: annulation par le Conseil d'état des tirs d'effarouchement. Non, l'ours on na va plus l'effaroucher.

J'avais déjà évoqué en 2019 dans ce blog la question des tirs d'effarouchement de l'ours dans les Pyrénées, sujet qui avait provoqué la colère des associations de protection des ours et de la nature. Ce d'autant plus que la population ursine dans les Pyrénées est encore très fragile (une cinquantaine d'individus au total mais deux ours y ont encore trouvé la mort au cours des derniers mois) et que la France a l'obligation de conserver l'espèce de façon viable sur son territoire.

La décision d'autoriser ces tirs selon décret du 27 juin 2019 était une décision purement opportuniste motivée par la grogne de certains éleveurs et élus locaux face à la prédation et au risque de prédation. Il s'agissait de tirs non létaux.

Le Conseil d'état, saisi par plusieurs associations sollicitant l'annulation des tirs d'effarouchement  vient, en date du 4 février 2021, d'annuler cette possibilité offerte par l'arrêté.

Le Conseil d'état estime certes que les mesures d'effarouchement "ne sont pas de nature à porter atteinte au maintien des populations d'ours ou à compromettre l'amélioration de l'état de conservation de l'espèce" mais la possibilité de procéder à un tir non létal, "sans encadrer davantage ses conditions de mise en œuvre (...) ne permettent pas de s'assurer" que les dérogations ne portent pas atteinte "au maintien des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne compromettent pas l'amélioration de l'état de l'espèce".

Plutôt que d'envisager des techniques de protection des troupeaux, l'état a préféré pour des raisons purement politiques et pour apaiser certains éleveurs et élus locaux, autoriser des tirs d'effarouchement. Le Conseil d'état a condamné ces mesures et c'est une bonne nouvelle.



"Animals in International Law" du Prof. Anne Peters

La professeure de droit international Anne Peters, chercheuse au Max-Planck Institut à Heidelberg, vient de publier un ouvrage remarquable intitulé "Animals in International Law" (Publié dans "Collected Courses of The Hague Academy of International Law, Recueil des Cours Vol. 410 ;Leiden: Brill 2020). 

Malheureusement, la publication ,en langue anglaise, est largement passée inaperçue dans le monde académique français et c'est bien dommage. 

Pourtant, cet ouvrage de Anne Peters est brillant, passionnant. Il aborde sur plus de 400 pages le statut des animaux en droit international.

Anne Peters part du constat que la souffrance animale infligée par l'homme est un problème global ayant des répercussions pour tous les êtres humains et pour la planète. Elle considère que nous devons trouver dès lors des solutions juridiques globales.

A problème global, solution globale.

Au chapitre I l'auteure présente les faits, examine l'état actuel du droit national de l'animal et démontre l'intérêt d'avoir une approche globale pour remédier aux disparités voire à l'absence d'outils de protection juridique des animaux dans bon nombre de pays.

En son chapitre II, le livre fait le point sur les principaux régimes juridiques internationaux qui concernent les animaux, à savoir, les traités internationaux de conservation d'une part et les règles de santé et bien-être animal de l 'OIE d'autre part. Anne Peters y aborde aussi la question de la contribution des institutions financières au mal être et à la souffrance animale par le biais du financement de l'élevage industriel.

Le chapitre III est consacré à la Commission Baleinière Internationale et aux limites de la protection offerte par elle aux baleines. Ce régime institué par la CBI créé un clivage entre les états membres et d'importants états baleiniers qui n'en font pas partie ( Le Japon a quitté la CBI en 2019).

Le chapitre IV analyse les règles de protection édictées par le plus important acteur intergouvernemental et supranational, l'UE.

Au chapitre V, l'auteure analyse les effets du droit du commerce international sur le bien-être animal.

Le chapitre VI examine la façon dont les animaux sont victimes de conflits armés, qu'il s'agisse d'animaux d'élevage, d'animaux de guerre ou d'animaux sauvages libres. 

Ce thème est très rarement abordé dans la littérature juridique consacrée au droit de l'animal. Anne Peters relève que le droit humanitaire international a presque totalement oublié les conséquences des conflits armés sur les animaux. Elle aborde en particulier en quoi il est condamnable au plan moral d'utiliser des animaux comme arme de guerre ou comme combattants. L'auteure considère qu'il faudrait cesser toute utilisation des animaux lors de conflits armés.

Le chapitre VII aborde la question des droits juridiques de l'animal. L'auteure démontre à quel point accorder des droits fondamentaux aux animaux pourrait parfaitement s'intégrer au droit international, quels en seraient les avantages pour les animaux et de quelle façon ces droits pourraient être codifiés.

Au chapitre VIII Anne Peters conclut que le droit international public actuel crée plus de mal que de bien pour les animaux. L'auteure montre de quelle façon un consensus global permettant d'améliorer le bien-être animal peut être envisagé. Dans ce chapitre, l'auteure relève l'existence d'une véritable dynamique normative, notamment au niveau du droit des traités internationaux, vers une plus grande reconnaissance du bien-être animal en tant que principe juridique. 

Anne Peters suggère diverses stratégies juridiques permettant d'améliorer le statut des animaux et de combler les "trous" juridiques par une interprétation progressive des traités, lors de l'élaboration des traités  ainsi que dans la représentation des animaux au plan juridique.

Voici un ouvrage à mettre entre toutes les mains de juristes par la profondeur et la finesse d'analyse de l'auteure, l'exhaustivité des sujets abordés et l'intérêt des solutions proposées. 

 

dimanche 20 décembre 2020

 L’ours polaire et le droit vient de paraître.

Il fait un point complet sur les statuts de conservation et de protection internationaux et nationaux de l'espèce. Il aborde également les menaces dont il est l’objet et les enjeux de son territoire.




Signaux d'alerte

Jean-Marc Neumann

Préface d'Astrid Guillaume

L'ours polaire est le plus gros carnivore terrestre. Il règne en maître absolu sur les étendues glacées de l'Arctique et fascine par sa beauté ainsi que par son adaptation à l'un des environnements les plus hostiles de notre planète. Après avoir été conduit au bord de l'extinction par une chasse intensive, sa population a pu se rétablir grâce à la mise en place d'outils de protection et de gestion de l'espèce. Aujourd'hui, l'ours polaire fait face à de nouvelles menaces, toutes d'origine humaine. Il est devenu l'animal iconique illustrant les conséquences du dérèglement climatique. L'espèce est fragilisée et son avenir à long terme inspire de vives inquiétudes. Protéger l'ours polaire et son milieu naturel représente aujourd'hui un formidable défi. Ce n'est pas seulement son avenir qui est en jeu mais aussi celui de l'humanité tout entière.

Jean-Marc Neumann est juriste, consultant en protection animale et chargé d'enseignement en droit de l'animal à l'Université de Strasbourg. Membre de plusieurs conseils scientifiques dont celui de la Société française de Zoosémiotique (SfZ), membre du comité de pilotage du GAL Project (Global Animal Law Project), il est également fondateur du site Internet « Animal et droit ».

Coll. Zoosémiotique

256 pages • 25 euros• novembre 2020

EAN : 9782343196800


vendredi 27 novembre 2020

Parution du livre "L'ours polaire et le droit" !

J'ai le grand plaisir d'annoncer la parution de mon livre "L'ours polaire et le droit" aux éditions de L'Harmattan.

Ce livre a été préfacé par Astrid Guillaume, directrice de la collection "Zoosémiotique" et présidente de la Société française de zoosémiotique (SFZ) que je remercie chaleureusement.

Dans mon ouvrage, destiné à un large public (pas exclusivement réservé aux juristes !) , j'aborde principalement la question des outils juridiques (Conventions, accords internationaux, bilatéraux ou multilatéraux, lois nationales des cinq pays abritant l'espèce) mis en place pour assurer la conservation et la protection de ce mammifère emblématique, iconique du grand nord. 

Les menaces diverses qui pèsent sur son avenir (dont notamment le réchauffement climatique) sont également traitées de même que la captivité du plantigrade.

Vous ferez en outre connaissance des conditions de vie pratiques de l'ours polaire dans l'un des environnements les plus hostiles de la planète.

Vous pourrez, afin d'en savoir davantage et de pouvoir le commander, accéder à la page internet de l'éditeur consacrée à mon livre à partir du lien ci-après :

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=67486




vendredi 13 novembre 2020

La régulation à la française des loups

Mortalité des loups – 2020
L’association Férus a fait le décompte dés loups tués .
La barre des 100 individus a été atteinte. Soit tués par suite d’une action dite de régulation ou de prélèvement soit par braconnage soit par accident.
Une gestion affligeante d’une espèce protégée dictée par les lobbys et par souci de clientélisme local.
Non seulement cette gestion est honteuse mais elle est inefficace.
La biodiversité en France ne doit manifestement jamais poser de problème aux acteurs traditionnels de nos espaces, agriculteurs, éleveurs et chasseurs. Et en effet elle est bien surveillée,régulée pour que certaines espèces n’excèdent pas un nombre juge suffisant pour en assurer la viabilité.
Le loup a toujours été le mal aimé. L’histoire le montre. 
Pourtant on aurait pu espérer qu’au XXI ème siècle les mentalités changeraient. Oui elle changent fort heureusement pour une frange importante de la population mais cette évolution n’a pas encore «colonisé » l’esprit d’une poignée d’individus rétrogrades privilégiant leurs intérêts catégoriels ou politiques.
Oui le loup est un animal qui « disperse », qui s’adapte, qui est très résilient. Oui il sait être pénible...
Oui il cause des dommages à certains éleveurs. Mais c’est le prix à payer pour avoir une biodiversité riche unique en Europe. Des outils d’aide existent. Certains éleveurs toutefois ne protègent pas ou pas suffisamment leurs troupeaux. D’autres sont au contraire exemplaires. La majorité. Il faut poursuivre une politique volontariste adaptée à la réalité du terrain pour trouver un équilibre entre biodiversité et activité pastorale. C’est faisable. Cela l’est dans certains pays, pourquoi pas en France ?
Il faut de l’audace, du courage et non une soumission aveugle aux lobbys dictée par un clientélisme dépassé.