vendredi 4 septembre 2020

France: Proposition de loi "relative à de premières mesures d'interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d'amélioration des conditions de vie de ces derniers"

Une proposition de loi (1) a été enregistrée au bureau de l'Assemblée nationale le 25 août 2020 par Cédric Villani, Mathieu Orphelin, Frédérique Tuffnell, Sébastien Nadot et Paula Forteza.

Elle a pour objet la mise en place de "premières mesures d'interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d'amélioration des conditions de vie de ces derniers".

Celle-ci reprend  et "aménage", selon les propos de ses auteurs, une "large partie" des propositions faites par le "référendum pour les animaux (le "RIP animaux "). Elle ajoute un volet comprenant des "dispositifs d'accompagnement et de financement des acteurs économiques pour rendre viable cette transition".

Les points saillants sont les suivants :

- article 1: création d'un fonds de soutien à la transition pour accompagner les acteurs économiques dont l'activité sera fortement impactée par les mesures fortes visées. C'est une mesure de bon sens . Nul ne pourrait imaginer en effet que des mesures fortes soient mises en place sans cet accompagnement;

- article 2: interdiction de l'élevage d'animaux pour leur fourrure; cette mesure vise à la fois les élevages destinés exclusivement à la production de fourrure comme ceux "contribuant au commerce de la fourrure". La mesure doit prendre effet le 1er janvier 2025;

- article 3:interdiction des spectacles d'animaux vivants d'espèces non domestiques (donc sauvages), de la reproduction de certains espèces de cétacés et (sauf cas particulier) et leur détention. La mesure doit prendre effet cinq ans après la promulgation de la loi;

- article 4:interdiction de la chasse à courre et "pratiques équivalentes" ainsi que des chasses traditionnelles. Ainsi, sont visées en outre, la vénerie sous terre et les chasses dites traditionnelles telles que chasse à la glu, à la tendelle (2), à la matole(3), aux pantes(4), la chasse tenderie aux vanneaux(5) et la chasse tenderie au brancher(6). La mesure doit entrer deux ans après promulgation de la loi.

- article 5: transformation des pratiques d'élevage en vue "de ne conserver à terme que les pratiques compatibles avec le respect des impératifs biologiques des animaux".

Sera interdite toute construction nouvelle ne donnant pas accès au plein air pour les animaux.

L'élevage en cage des poules pondeuses pourra être interdit dès 2025. Pour d'autres animaux l'élevage en cage sera progressivement abandonnée d'ici 2030.

La loi devra également "traiter" les questions des truies gestantes, des cailles pondeuses, des veaux de boucherie et veaux élevés pour renouveler le cheptel laitier;

- article 6: il précise que la charge résultant de l'application de la loi sera compensée " à due concurrence" par des taxes additionnelles aux droits mentionnés aux articles 575 (taxe sur les tabacs) et 575A du code général des impôts (7) 


En voici le texte intégral:


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé, auprès des ministres chargés  de l’agriculture et de l’environnement, un fonds de soutien à la transition pour le bien‑être animal destiné aux acteurs économiques dont l’activité est sensiblement affectée par la présente loi, afin d’accompagner financièrement la transformation de leur activité.

Un décret définit les modalités de mise en œuvre de ce fonds, notamment la liste des acteurs économiques éligibles à l’attribution des aides qui en sont issues, les modalités de gestion du fonds ainsi que les conditions et modalités d’attribution des aides.

Article 2

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 214‑9, les mots : « , de fourrure » sont supprimés.

2° Après l’article L. 214‑9, il est inséré un article L. 214‑9‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214‑9‑1. – L’élevage et l’abattage d’animaux dans le but d’obtenir de la fourrure ainsi que la commercialisation de la fourrure de ces animaux sont interdits à compter du 1er janvier 2025.

« À compter de cette date, l’élevage et l’abattage d’animaux dans le but d’obtenir de la fourrure ainsi que la commercialisation de la fourrure de ces animaux sont punis d’un an d’emprisonnement et d’une amende dont le montant est proportionné au nombre d’animaux concernés et au volume des ventes réalisées. Ce montant ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’entreprise au titre du dernier exercice clos.

« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention ou l’élevage d’animaux dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

« – l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131‑38 du même code  ;

« – les peines prévues aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131‑39 dudit code. »

Article 3

Après l’article L. 413‑5 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413‑5‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 413‑5‑1. – I. Est interdit tout spectacle ayant recours à des animaux d’espèces non domestiques dans le délai de cinq années à compter de la promulgation de la loi n°       du         relative à des premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers.

« Durant ce délai, les animaux peuvent être confiés à des fondations ou associations de protection animale reconnues d’utilité publique ou déclarées, qui peuvent librement en disposer.

« II. – À compter de la date mentionnée au premier alinéa du I, la violation de l’interdiction mentionnée au même I est punie d’une amende de 50 000 € par animal.

« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal prononce la confiscation de l’animal. Ce dernier est remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui peut librement en disposer.

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention d’animaux dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

« – une amende en application de l’article 131‑38 du même code ;

« – les peines prévues aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131‑39 dudit code.

« III. – Les dispositions relatives à la mise en œuvre de l’interdiction prévue au I et les modalités de prise en charge des animaux par le milieu associatif de la protection animale sont fixées par décret  en Conseil d’État.

« IV. – La reproduction des spécimens de l’espèce Orcinus orca et de l’espèce Tursiops truncatus régulièrement détenus en France est interdite à compter de la promulgation de la loi n°         du         relative à des premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers.

« La détention en captivité de spécimens de cétacés est interdite à l’exception des spécimens de l’espèce Orcinus orca et de l’espèce Tursiops truncatus hébergés dans des établissements installés en mer à des fins de réhabilitation.

« La violation des interdictions figurant aux deux alinéas précédents est punie d’une amende de 50 000 € par animal.

« Un arrêté du ministre chargé de l’environnement fixe les modalités de mise en œuvre des dispositions du présent IV. »

Article 4

I. – L’article L. 424‑4 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « soit à courre, à cor et à cri, » sont supprimés ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« La chasse des oiseaux de passage par l’utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels est interdite. »

3° Le cinquième alinéa est supprimé ;

4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun équipage ne peut être constitué afin de se livrer à la chasse à courre, à cor et à cri ou sous terre, ni poursuivre par les mêmes moyens un leurre simulant la voie d’un animal. »

II. – La section 1 du chapitre VIII du titre II du livre IV du même code est complétée par une sous‑section 3 ainsi rédigée :

« Sous‑section 3

« Exercice de la chasse

« Art L. 428‑3‑1. – La pratique de la chasse à courre, à cor et à cri ou sous terre, celle visant à poursuivre par les mêmes moyens un leurre simulant la voie d’un animal, ainsi que l’utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.»

III. – Le présent article entre en vigueur deux ans après la promulgation de la présente loi.

À compter de la date mentionnée au premier alinéa du présent III, il n’est plus délivré ni renouvelé aucune attestation de meute destinée à l’exercice de la chasse à courre, à cor et à cri ou sous terre, ou à la poursuite par les mêmes moyens d’un leurre simulant la voie d’un animal.

Article 5

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 214‑11, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé ne garantissant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est interdite à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi n°  du  relative à des premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers.

« L’exploitation de tout élevage n’offrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est interdite à compter du 1er janvier 2040. »

2° Après l’article L. 214‑11, il est inséré un article L. 214‑11‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214‑11‑1. – À compter du 1er janvier 2040, l’exploitation d’un élevage n’offrant pas aux animaux un accès au plein air adapté à leurs besoins est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui peut librement en disposer.

« Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale en lien avec la détention ou l’élevage d’animaux dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.

« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal, encourent les peines suivantes :

« – une amende en application de l’article 131‑38 du même code ;

« – les peines prévues aux 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131‑39 dudit code. »

3° Après l’article L. 214‑3, il est inséré un  article L. 214‑3‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 214‑3‑1. – L’élevage en cage des poules pondeuses est interdit à compter du 1er janvier 2025. »

II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente une stratégie nationale visant à mettre fin à l’élevage des animaux de rente, durant la majorité du temps écoulé entre leur naissance et leur abattage, en cage, case, stalle ou box , y compris, pour l’élevage porcin, ceux utilisés pendant la gestation et la mise‑bas. Des dates d’entrée en vigueur comprises entre 2025 et 2030 sont prévues pour les différentes filières d’élevage, tenant compte de la capacité de chaque filière à opérer la transformation des conditions d’élevage requise.

Article 6

La charge résultant de l’application de la présente loi pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


Nous verrons quelle sera la suite réservée à cette proposition de loi. Il serait déjà étonnant qu'elle puisse être, un jour, examinée par l'assemblée. Jusqu'à présent, les initiatives parlementaires, dans le domaine de la protection animale, n'y sont jamais parvenues.

Nous assistons, et nous ne pouvons que nous en réjouir, à une multiplication des initiatives ayant pour objectif l'amélioration de la condition animale en mettant fin, dans un premier temps, aux pratiques les plus défavorables au bien-être animal ainsi qu'à celles qui sont les plus cruelles.

Toutes ces initiatives sont mises en place pour répondre aux fortes attentes sociétales et à l'immobilisme et même à la frilosité extrême du gouvernement dans ce domaine.

A suivre !

(1) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3293_proposition-loi

(2) chasse à la tendelle :https://www.chasse-grives.fr/198+la-tendelle.html

(3) chasse à la matolle:http://defenseanimale.com/chasse-matole-controversee/

(4) chasse aux pantes:http://www.addi-chasse.fr/content/23-les-alouettes-aux-pantes

(5) chasse tenderie aux vanneaux:https://www.chassepassion.net/actualite-de-la-chasse/chasse-petit-gibier-deau/le-plus-beau-reportage-sur-la-tenderie-au-vanneau/

(6) chasse tenderie au brancher: https://www.chasse-grives.fr/67+la-tenderie.html

(7) taxes sur les tabacs : 

Article 575 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?

Article 575A 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=75F24144D8429094D4A4E792F88B5D64.tplgfr26s_1?idArticle=LEGIARTI000041472780&cidTexte=LEGITEXT000006069577&dateTexte=20200904&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=