dimanche 30 août 2020

Projets d'arrêtés "Loups" soumis à consultation publique jusqu'au 13 septembre 2020

 "Le loup on va le réguler. On va le faire de manière pragmatique, sur le terrain. Les ministères ont trouvé un accord. On va le réguler avec les préfets" avait déclaré E. Macron le 23 février 2019 lors de l'ouverture du salon de l'agriculture.

En effet, telle est bien la stratégie de l'état. Politique de destruction plutôt que de conservation. La France a du mal avec ses grands prédateurs.

Voici que notre ministre de la transition écologique Barbara Pompili soumet deux projets d'arrêtés à consultation publique jusqu'au 13 septembre (1). 

Un arrêté "cadre" et un arrêté "plafond" devant remplacer ceux de février 2018.

Les citoyens sont appelés à s'exprimer et à donner leur avis. On peut toutefois de suite émettre des réserves quant à la prise ne compte du résultat de la consultation; en effet, le moins que l'on puisse dire est que de façon générale il n'est tenu aucun compte de l'avis des citoyens. 

Il est cependant important que ces derniers se manifestent et se positionnent sur le sujet.

Le ministère de la transition écologique explique sur son site le fondement des deux arrêtes en projet. En préambule, les autorités expliquent que "Le seuil de viabilité démographique du loup, que le PNA « loup et activités d’élevage » a reconnu comme étant de 500 individus, a été atteint en 2019. Dès lors, des propositions de modification du protocole d’intervention sur la population de loup ont été formulées pour l’année 2019 puis pour 2020, visant notamment à intervenir plus efficacement sur les foyers d’attaque. Après avoir fait le bilan de l’expérimentation menée en 2019, il est proposé d’intégrer de manière pérenne certains points dans le protocole d’intervention."

Le ministère rappelle que "Le loup est une espèce « strictement protégée », inscrite à l’annexe II de la Convention de Berne, mais aussi aux annexes II et IV la Directive 92/43/CEE dite « Habitats, Faune, Flore », où il est classé « prioritaire d’intérêt communautaire » et que  "des dérogations à la protection sont prévues par ces textes pour prévenir les dommages importants aux troupeaux domestiques, à condition qu’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes et que les opérations ne nuisent pas au maintien du bon état de conservation de la population de loups. Le respect de la première condition est garanti par le fait que les tirs sont subordonnés à l’existence de mesures de protection des troupeaux ; le respect de la seconde est garanti par la fixation d’un nombre maximal de spécimens pouvant être détruits chaque année, en fonction de l’évolution de la population."


Le Plan national d’action (PNA) « loup et activités d’élevage » 2018-2023 publié le 19 février 2018 a un double objectif:

- assurer la viabilité de la population de loups ;

- réduire les dommages sur les troupeaux.

L'arrêté dit « plafond » fixe le pourcentage maximum de la population lupine estimée pouvant être détruit chaque année .

L'importance de ladite population est basée sur une estimation fournie par l’Office français de la biodiversité (OFB) à la fin de l'hiver. Le nombre de loups nécessaires pour que la population soit jugée "viable" a été arrêté à 500 en 2017 par "expertise collective scientifique" (chiffre trop bas selon certains scientifiques qui vont jusqu'à affirmer que le seuil de viabilité est plutôt de 1500 individus); Ce chiffre a été atteint en 2019.

A juin 2020, le nombre estimé de loups s'établit à 580 (fourchette d'incertitude de 528 à 633).

Le seuil de viabilité est donc dépassé ce qui permet donc de "réguler".

L'expérimentation conduite en 2019 avait pour objectif de réduire le niveau de prédation dans les zones les plus sujettes aux attaques " en privilégiant davantage les tirs de défense en complément des mesures de protection." Ces mesures reconduites en décembre 2019 pour l’année 2020 font ,selon le ministère, apparaître les points suivants (reproduits intégralement ci-après) :

Elles ont permis une stabilisation du nombre d’attaques et de victimes dans un contexte de croissance continue de la population lupine. En effet, le bilan hivernal 2019-2020 réalisé par l’OFB fait état de 97 zones de présence permanente, dont 80 constituées en meutes pour un effectif total estimé de 580 individus, alors qu’en 2019, on comptait 92 zones de présence permanente, dont 70 constituées en meute, pour un total estimé de 530 individus.
• Elles ont également rempli leur objectif de renforcement de la défense des troupeaux attaqués : d’une part sur les 98 loups détruits, 90 l’ont été par tir de défense, simple ou renforcé, et seulement 4 en tir de prélèvement ; d’autre part les éleveurs ont pu défendre leurs troupeaux tout au long de l’année puisque le deuxième plafond, fixé à 100 loups, n’a pas été atteint."

Que prévoient les deux arrêtés ?

1) L'arrêté « cadre »(2)

- La stratégie est de concentrer les moyens d'intervention sur les élevages ou territoires les plus touchés par la prédation.

- La procédure de suspension pendant 24 heures de tous les tirs à l’atteinte du plafond minoré de 4 individu est supprimée  au motif que " L’opération de suspension est très lourde et disproportionnée par rapport au risque de dépassement du plafond, la pratique montrant que ce risque est très faible, notamment à l’approche du plafond majoré".

- Le tir de défense renforcée "sera recentré sur les troupeaux ayant subi plus de 3 attaques depuis 12 mois, en tenant compte du « territoire » où se situe l’élevage et non plus de la commune, qui n’est pas un échelon pertinent pour caractériser l’activité agricole et la densité de prédation ";

- L'obligation d'envoyer à la DDT(M)  une copie du registre de tirs, "nécessaire pour justifier la délivrance d’autorisation de tir de défense renforcée et de tirs de prélèvement" passe de juillet à "début d'année". pour tenir compte du pic d’activités des éleveurs en été;

-les "modérateurs de son" ou silencieux pour les tirs de défense sont interdits ("peuvent conduire à tuer deux loups successivement au même endroit"). Selon le ministère " Le bruit de la détonation doit être assimilé par les autres loups comme un signal de danger associé à la proximité du troupeau".

- Les tirs de prélèvement passent de deux types à un seul. 

- Passage de deux types à un seul type de tir de prélèvement limité "aux cas de dommages exceptionnels, après avis du préfet coordonnateur, en cas d’échec de deux tirs de défense renforcée" . 


- La  durée de validité de l’autorisation de tir de prélèvement passe de 1 mois renouvelable à 3 mois non renouvelables +  extension de la période d’utilisation du tir de prélèvement, qui débutera au 1er juillet (septembre auparavant) jusqu’au 31 décembre;

- La mise en œuvre de tirs d'effarouchement n’est plus un préalable obligatoire aux tirs destinés à tuer le loup.

b) Projet d’arrêté « plafond » (3)

L'article 1 stipule que:

"I. - Le nombre maximum de spécimens de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé à 19 % de l'effectif moyen de loups estimé annuellement."

"III. - En application de l’article 2 du décret du 12 septembre 2018, lorsqu'est atteint, avant la fin de l'année civile, le seuil de 19 % prévu au I, le préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup peut décider, par arrêté, que la mise en œuvre de tirs de défense simple pouvant conduire à l'abattage de spécimens de loups peut se poursuivre dans la limite de 2 % de l'effectif moyen de loups estimé annuellement"

Le pourcentage annuel peut donc atteindre désormais 21 % de l'effectif moyen estimé annuellement !

Le CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature) a délivré en date du 12 juillet 2020 un avis unanimement défavorable aux projets d'arrêtés (4).

Dans l'introduction de son avis, le CNPN précise que :

- "La régulation de la population de loups apparaît être en contradiction avec le droit communautaire et national, et la biologie de la conservation: la moitié des loups abattus a été tuée en période de reproduction et d'élevage de jeunes, ce qui pose question en termes de dynamique de la population. 

" le fait qu'il n'y ait plus aucune période d'interdiction des tirs en période de reproduction, semble peu conforme au statut d'espèce protégée dont l’état de conservation reste vulnérable

- L'effarouchement n'est plus un préalable au tir de défense. Aucun autre dispositif expérimental de dissuasion n'est recherché, pourtant certains existent et sont efficaces tels que les fox-lights, les charniers, les fladry, et d'autres semblent prometteurs, notamment les phéromones. 

- La conditionnalité de l'indemnisation à la mise en place des moyens de protection est une action affichée et prévue dans les textes réglementaires, au moins partiellement (est-elle en place ?), mais là encore l’accompagnement et le contrôle sur le terrain sont impératifs. "Bien qu'il nous soit affirmé que la mise en place des moyens de protection fait l'objet de contrôles, ils sont notoirement insuffisants ; on ne dispose d'aucune statistique sur ceux-ci et encore moins de leurs résultats : aucune analyse quantitative et qualitative ne semble réalisée à ce jour. Faute de ces analyses et contrôles sur le terrain, il est en effet impossible d'expliquer comment le financement des mesures de protection (un des plus généreux en Europe) ait si peu d'influence sur la maîtrise des dommages (le plus important en Europe également). 

- Il est regrettable que depuis plusieurs années déjà, alors qu'il est constaté que la majorité des attaques se trouve concentrée sur un nombre restreint d'unités pastorales, on n'en connaisse toujours pas les raisons. Il devient impératif d'y apporter des éléments de réponse par l’étude écosystémique (i.e. multifactorielle) des causes d’apparition et de persistance des foyers d’attaque, étant entendu que le tir dérogatoire n’est pas la meilleure solution sur le long terme. "

Le CNPN passe ensuite en revue chacune des mesures prévues par l'arrêté cadre avant d'émettre à son égard un avis défavorable à l'unanimité.

S'agissant du projet d'arrêté "plafond", le CNPN note " par rapport à l'arrêté du 30 décembre 2019 la possibilité de dépasser le plafond de 2% supplémentaires, portant le plafond à 21%. " et "comprend mal cette augmentation alors qu'il est précisé dans la note d'accompagnement de l'arrêté que le plafond initialement fixé n'a pas été dépassé au cours des saisons précédentes. Pourquoi alors permettre cette augmentation des tirs qui ne peut être perçue que comme une incitation à tirer davantage de loups ? Cette augmentation graduelle des plafonds qui passe de 12% en 2018 à 21% par cet arrêté ne peut pas être sans conséquence sur la dynamique de la population de loups."

Il poursuit en citant le rapport de l'OFB selon lequel "Le taux de croissance annuel brut s’établit à 9 % contre 22 % l’année dernière. Une baisse qu’il convient de surveiller dans les prochaines années pour identifier les éventuelles incidences à moyen terme sur la population » et précise que "L’OFB conclut la note en indiquant que « si la population de loups continue son expansion géographique, cette croissance est plus lente que les années précédentes."

Enfin, le CNPN estime que "si le dispositif de gestion du loup s’inscrit effectivement dans le cadre de la gestion adaptative, l’arrêté devrait prévoir également les conditions permettant de revoir à la baisse le plafond de prélèvement afin de garantir le respect du bon état de conservation de la population de loup, qui est l’une des conditions dérogatoires."

Le CNPN émet également un avis unanimement défavorable à ce second projet d'arrêté.

Les citoyens sont appelés à manifester leur point de vue d'ici le 13 septembre au plus tard sur ces deux projets d'arrêtés.

Je ne peux qu'inviter les citoyens à donner leur avis.

L'avis défavorable du CNPN et celui, sans doute majoritairement défavorable, des citoyens auront-ils raison de ces projets ? On peut hélas en douter.

On ne peut que regretter la politique actuelle de l'état en matière de gestion des loups. Cette dernière est davantage une politique de destruction que de conservation d'une espèce strictement protégée. 

Il est temps de réfléchir à une vraie politique de gestion et de conservation de l'espèce ! 

Biodiversité ou "biorégulation" ? il faut choisir.


Sources:


(1) Consultation publique

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arretes-1-fixant-les-condition-et-limites-a2183.html?id_rubrique=2

(2) arrêté "cadre"

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/20200814_arrete_cadre_consultation_publique.pdf

(3° arrêté "plafond"

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/20200814_arrete_plafond_consultation_publique.pdf

(4) Avis CNPN 

https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35965-avis-cnpn.pdf