mercredi 29 juillet 2020

RIP "Animaux" :La démocratie prise en otage par les chasseurs ?

Le RIP (Référendum d'Initiative Partagée) sur les animaux contenant 6 mesures phares dont la quatrième concerne l'interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses dites traditionnelles semble effrayer les chasseurs. 

Il est vrai qu'ils n'ont pas l'habitude que l'on vienne bousculer leurs pratiques ayant toujours jusqu'à présent, quelque soit la majorité au pouvoir, eu l'oreille des dirigeants de notre pays.

Cela inquiète forcément et ce d'autant plus que cela pourrait se faire par une procédure nouvelle, le RIP.

Le RIP a été créé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 suivie des lois du  et du décret du 
Un RIP peut , dans la pratique, être engagé depuis le 1er février 2015. 
La démarche en vue d'un RIP "animaux" a été lancée le jeudi 2 juillet 2020 à l'initiative de quelques personnalités avec le soutien de nombreuses associations (pour plus de détails, voir le site du RIP) 

Il faut que le RIP soit déposé par 185 députés ou sénateurs minimum et recueille 4,7 millions de signatures (correspondant à 10% des électeurs inscrits) en 9 mois.
Donc, sur le plan pratique, le parcours est compliqué .



Ce RIP non seulement inquiète le milieu de la chasse mais les met en colère; en témoignent la lettre ouverte de Willy Schraen, président de la FNC aux parlementaires et l'article paru dans "vidéos chasse" (voir liens ci-dessous).


On relève en particulier des termes guerriers, des rappels aux fameuses traditions sans lesquelles notre pays serait perdu et sombrerait dans un chaos total dans lequel rien ne serait plus comme avant...certes oui mais alors pour les chasseurs.

La lettre de Willy Schraen (ci-après 'WS') :

Relevons quelques saillies "dramatiques" pour saisir toute la finesse des propos et la profondeur des arguments:

WS ouvre sa lettre aux parlementaires par l'évocation du sujet qui, selon ses propos est "la très controversée condition animale.

Controversée, non .Source de préoccupations et de nécessaire évolution , oui.

Puis il poursuit "A travers cette dernière, c’est aussi tout ce qui touche à la consommation de viande et son économie majeure qui sont visés."

Il évoque ensuite l'un des sujets visés par le RIP, les chasses. 

Ici , WS écrit "Ces chasses font aujourd'hui l'objet de contrôles très stricts et bon nombre d'entre elles furent réformées récemment par vos soins. Pour l’animal sauvage, il s’agit de faire interdire le cirque et les chasses et pratiques dites « traditionnelles ». Ces dernières sont issues de la plus lointaine histoire de l’Humanité, elles regroupent un nombre de pratiques où l’usage des armes à feu n’est pas nécessaire. Elles sont avant tout le moyen trouvé par l’Homme depuis toujours pour survivre dans une nature hostile, mais furent aussi ce qui permit à nos ancêtres de réfléchir à la capture des animaux pour se nourrir et se vêtir. 

Et poursuite sur un ton volontairement et excessivement dramatique comme si la planète allait être absorbée demain par un trou noir. Jugez-en :

" Quoi qu’il en soit, nous n’en sommes plus là, car dorénavant la volonté dans cette nouvelle démarche sera d’abolir l’ensemble de ces pratiques. Les femmes et les hommes ayant construit leur vie sur les valeurs cardinales du bon sens et de la transmission rurale, se retrouveraient dans une situation de déstabilisation sociale et passionnelle, qui ne peut conduire qu’à des réflexes de colère pour la survie légitime de leurs précieux héritages ancestraux. Ils sont nos indiens français, protégeons-les même s’ils ne vivent pas en Amazonie…

Il n'y a pas que le sujet de la chasse qui préoccupe WS mais aussi celui de l'élevage :

"Mais l’animal sauvage n’est pas le seul sujet puisque les méthodes d’élevage des animaux, comme la destination finale de ceux-ci, sont au centre d’une demande générale de changement drastique des pratiques, ou d’une abrogation pure et simple de l’activité. Là encore, les éleveurs de France n’ont pas attendu les polémiques publiques pour tenter de moderniser leurs pratiques d’élevage, et pour que les animaux fassent l’objet d’un respect justifié dans leurs phases de développement en captivité. Toutefois, si de telles propositions devaient s’inscrire un jour dans la loi, l’évidence d’une production animale importée à bas prix se substituerait immédiatement à la production de nos éleveurs français, qui seraient dans l’impossibilité de répondre à de nouvelles règles incompatibles avec la rentabilité de leur production sur une échelle mondialeIl est logique qu’au regard de la situation économique actuelle de notre pays, de nombreux français ne seraient pas en mesure de s’offrir le luxe d’accroître le coût de leurs dépenses alimentaires sur des fondamentaux idéologiques.
L’adage qui verrait la France à quatre repas de la révolution prendrait alors tout son sens. Le mandat politique se veut alors professionnel, pour éviter que les  décisions soient prises sous la  dictature de l'émotion " .

Fichtre ! les gredins qui demandent le RIP veulent mettre fin à tout cela 

WS se présente non seulement comme le porte-parole des chasseurs mais aussi le VRP des éleveurs et des chercheurs !

Après avoir parlé de l'élevage, il aborde la recherche médicale qui ne peut se faire sans animaux; il reconnait toutefois que cette pratique est" controversée mais  elle permet à notre pays de posséder des unités de recherches performantes, reconnues mondialement pour leurs découvertes qui font sans cesse évoluer le combat contre la maladie."

La fin de sa lettre nous rassure sur la nature démocratique de la démarche des chasseurs :

"Pour finir, je souhaite vous interpeller sur le fond de cette démarche qui se veut démocratique. Vous êtes des élus de la République, et c’est le peuple de France qui vous a donné la légitimité à réfléchir et œuvrer pour que nos pratiques et nos actions s’inscrivent dans l’évolution de la société qui est la nôtre. Le mandat politique se veut alors professionnel, pour éviter que les décisions soient prises sous la dictature de l’émotion, et que ne soient en aucun cas appliquées des décisions sans mesurer la portée globale de celles-ci. (commentaire : ben oui ce sont des niais ces parlementaires trop tendres pour bien comprendre la vraie vie).


Et la fin du discours est admirable :grandiloquence, dramaturgie, la peur s'installe sur les villes et nos campagnes, les loups entrent à Paris.


Jugez-en :

" Hier la convention citoyenne et demain le RIP, posent la question légitime de l’existence même de notre système parlementaire. Si dorénavant, une majorité devait porter atteinte directement à une minorité par un argumentaire émotionnel ciselé, ce sont les principes mêmes de la cohésion sociale de ce pays qui ne tarderaient pas à voler en éclats sous votre bienveillance. A ce petit jeu, nous serons tous un jour minoritaire des autres. Aujourd’hui l’élevage et la chasse, demain la religion, l’âge ou l’origine ethnique, représenteront autant de possibilités d’auto destruction programmée de notre République. 
D’ailleurs dans la périphérie directe des associations qui soutiennent cette action très médiatisée, se dissimulent de nombreux groupuscules connus pour la violence de leurs exactions contre les gens qui ne partagent pas leur façon de penser"....

Et de poursuivre sur un ton qui ne saurait laisser indifférent aucun patriote :

.....Mesdames et Messieurs les parlementaires, il reste encore dans ce pays des gens heureux, qui ne sont pas jaloux des autres, et vivent sans convoitise et sans haine. Ils n’en sont pas moins à l’écoute de leur temps, et s’inscrivent, par leurs vies normales, dans une modernité sans cesse renouvelée. Ils sont peut-être plus souvent dans nos campagnes que dans nos villes, mais au nom de quel clivage idéologique ou géographique faudrait-il leur imposer de nouvelles contraintes sous prétexte de condition animale ? Beaucoup de gens désertent les isoloirs, et leur prouver que l’élu n’est plus le lien entre le peuple et la loi, finira par détruire définitivement l’espoir d’un avenir apaisé et meilleur. 


Je sais que chacun a le droit d’avoir ses opinions, comme c’est votre droit légitime (heureusement encore !), mais je vous demande de bien mesurer toute la portée de soutenir ce RIP. Si nous devions aller jusqu’au référendum, qu’importe le résultat, il fragilisera avec certitude l’unité de ce pays, faisant mourir le peu d’espoir de liberté qui reste chez bon nombre de ruraux. La fracture sociale et économique fait parler beaucoup d’elle depuis de nombreuses années, mais la fracture idéologique et politique qui se prépare achèvera de semer les dernières graines de la tempête sociale qui nous attend tous. Nous pouvons encore tous vivre dans ce pays avec nos différences, mais avec tolérance et écoute. Je vous demande solennellement de ne pas engager notre démocratie sur le chemin de la haine et de la violence d’où nous ne reviendrons jamais.

Sonnez les trompes de chasse !

La république est morte que le RIP l'emporte ou non. Ouvrir la porte à un RIP c'est le début de la fin de notre beau pays. 

Heureusement que les chasseurs sont là pour sauver la patrie.

Pensez aux enfants, que deviendront-ils avec ces charlots de la protection animale, des fous vous dis-je, des voyous, des ennemis du peuple, des ennemis de la belle vie d'avant.

WS oublie juste quelques points essentiels:

- le RIP est une possibilité ouverte à tous et parfaitement démocratique;

- les citoyens, très majoritairement, souhaitent que des changements soient apportés à la condition animale et surtout l'abolition de certaines pratiques (dont les fameuses traditions ancestrales) particulièrement cruelles et très éloignées de la notion de bien-être que suppose la sensibilité reconnue par la loi des animaux; selon un sondage IPSOS (https://www.sciencesetavenir.fr/politique/referendum-pour-les-animaux-73-des-francais-souhaitent-son-organisation_146303) 73% des français souhaitent l'organisation du RIP...et 117 parlementaires soutiennent déjà la démarche.
Ainsi que le précise l'article de "Sciences et vie" du 29 juillet 2020  "pas moins de sept électeurs sur dix (71%) pourraient potentiellement signer la pétition qui sera lancée une fois le soutien de 185 parlementaires validé" soit potentiellement 33 millions de personnes. Bien plus qu'il n'en faut pour permettre la tenue du scrutin. Le taux de participation pourrait alors atteindre des records selon les données récoltées par l'Ifop. "Le 'Référendum des animaux' bénéficierait d'une des meilleures participations pour un référendum d'initiative partagée ou d'initiative populaire, rapporte Caniprof. Elle serait de 14 points supérieure à celle estimée pour le RIP sur la privatisation d'Aéroports de Paris (35%) mais aussi de 8 points supérieure à un référendum sur un sujet aussi important que le rétablissement de la peine de mort (41%)".

- les citoyens et les parlementaires ne sont pas des imbéciles; ils sont à même de juger de la portée de certains idées portées par le projet de RIP. 

Pourquoi donc prendre les parlementaires par la main ? des craintes ? une (mauvaise) habitude ? 


L'article de Vidéos chasse"

Il attaque fort :

"Il est toujours intéressant de savoir par qui nous sommes attaqués. La connaissance de l’ennemi est indispensable à tout chef avant la bataille. Bien sûr, nous connaissons tous les groupes, groupuscules, associations et aussi certains individus médiatiques qui s’opposent à la chasse et aux chasseurs. "

Diantre ! ceux qui sont à l'origine du RIP seraient des "ennemis" ! "les chasseurs sont attaqués" !  

Couvrez-cous, courrez aux abris !

Ensuite, l'attaque serait financée par "l'étranger" (l'attaque ne peut être téléguidée que par des "étrangers", étant entendu que jamais un français n'oserait attaquer et/ou financer une telle attaque): 

"L’un d’entres eux (commentaire: ceux-ci étant des "groupes, groupuscules, associations et individus médiatiques") a lancé une campagne pour qu’un référendum d’initiative partagée (RIP) soit initié afin de « lutter contre la maltraitance animale ». Ce RIP regroupe 6 mesures qui s’attaquent à la chasse et à l’élevage. Rien d’étonnant puisque les associations qui le soutiennent sont en général financées par des grands groupes étrangers qui élaborent des viandes de synthèse." 

L'article se termine par la menace ou plutôt l'amicale pression exercée sur les parlementaires qui ont déjà signé en faveur du RIP ou ceux qui seraient tentés de la faire:

" Il est donc vital de s’intéresser à ces parlementaires, de voir quelle est leur appartenance politique et d’en tirer les conclusions en termes politiques. Les prochaines législatives ont lieu dans 2 ans ; il me semble qu’il est inconcevable de voter pour un député qui nous attaque.
Le diagramme ci-dessous vous montre à quel parti appartiennent les parlementaires signataires. Ecrasante majorité LREM, à laquelle il faut ajouter les parlementaires EDS (aile gauche de LREM) et AGIR (aile droite de LREM). Je vous laisse en tirer vos propres conclusions…"

Dont acte.


Manifestement, à la lecture tant de la lettre de WS et de l'article de Vidéo de Chasse, la démocratie, la volonté du peuple est un concept abstrait pour les chasseurs.


Les opposants à leurs pratiques ne sont pas des ennemis mais des adversaires. 
Les chasseurs ne sont pas attaqués (et de toute faon si tel était le cas il auraient suffisamment d'armes pour se défendre ,non ?) mais ils doivent affronter des contradicteurs.

Soyons sérieux !  Les mots ont un sens. 

A force de les (les mots) malmener on parvient effectivement au délitement de la société, à de l'agressivité.
S'opposer à des idées, à des pratiques, c'est normal dans une démocratie.

Il faut que les chasseurs l'acceptent. 

Honnêtement, dans quel autre pays que le nôtre, aurions-nous droit à une lettre pareille adressée aux parlementaires par le président des chasseurs  ?  

Inconcevable en Allemagne, en Suisse, dans les pays scandinaves.

La France serait- elle une république bananière ? un pays placé sous la coupe des chasseurs ?

Il est vrai qu'après des décennies de collusion malsaine entre chasseurs et politiques / pouvoirs en place, les chasseurs ont perdu le sens des réalités. 

Ils ne perçoivent plus leur pays que par le prisme de la lunette de leur fusil.

Dommage pour le pays. IL FAUT EVOLUER VERS LA DEMOCRATIE.

A titre de précision utile à l'attention des lecteurs éventuels de cet article:

-je ne suis pas financé ni de près de loin par des fonds ou des intérêts étrangers;
-je ne suis pas jeune (+60 ans), pas urbain (mais un "rural" et non un " néorural"), pas bobo ni star médiatique;
-mon grand père était forestier et chasseur;
-la forêt et les montagnes sont ma seconde "maison"; je les arpente (beaucoup) plus fréquemment que les trottoirs de Saint-Germain;
- je ne souhaite pas la fin des traditions dès lors qu'elle ne créent pas de souffrances;
-je ne procède a aucune "attaque ad hominem"; je ne combat que des idées ;je respecte chaque femme ou homme en tant que tels mais conteste pacifiquement et avec mesure leurs propos et opinions;
-je suis attaché à mon pays raison pour laquelle des débats sereins doivent s'instaurer sans aucune agressivité, attaques personnelles, sans utilisation de termes guerriers, sans insulte, sans violence, sans créer des peurs infondées et inutiles.

Eh oui, je ne coche aucune case du portrait caricatural dressé par WS de ceux qui souhaitent le RIP; en fait, je suis simplement un être humain aimant la vie, respectant le vivant sous toutes ses formes et très attaché à la démocratie (la vraie). A chacun ses valeurs.

Laissons les citoyens et les parlementaires décider par eux-mêmes et que la majorité s'exprime librement.



Sources:

Site du RIP:

https://referendumpourlesanimaux.fr/

Lettre de Willy Schraen

https://www.chasseurdefrance.com/actualites/referendum-dinitiative-partagee-lettre-ouverte-de-willy-schraen-aux-parlementaires/

Article de Vidéos de chasse:

https://videos-de-chasse.fr/actualite-chasse/les-parlementaires-ayant-signe-en-faveur-du-rip/

https://www.sciencesetavenir.fr/politique/referendum-pour-les-animaux-73-des-francais-souhaitent-son-organisation_146303