mardi 28 juillet 2020

Des sénateurs déposent une proposition de résolution européenne visant le déclassement du loup

Un vent adverse dont la biodiversité risque de faire les frais souffle sur notre beau pays.

Les grands prédateurs que sont le loup et l'ours sont dans le colimateur des éleveurs notamment.


La "ruralité" fait feu de tout bois contre eux.

Dans cet article il ne sera cependant question que du loup.

Les sénateurs Sylviane NOËL, Frédérique PUISSAT, MM. Michel SAVIN, Jean-Pierre VIAL, Mme Colette GIUDICELLI, M. Cyril PELLEVAT et Mme Martine BERTHET, ont déposé le 25 juin dernier une proposition de résolution européenne "visant à modifier le classement dont bénéficie le loup au sein de la Convention de Berne".

Pourquoi vouloir déclasser le loup ? en raison des dégâts que provoque le loup et qui mettraient en péril l'élevage.

Les sénateurs à l'origine de cette proposition estiment que le loup en France n'est plus une espèce en voie d'extinction. Ils demandent à ce que soit constaté que " le loup a perdu son statut d’espèce strictement menacée, et en conséquence qu’il puisse passer de l’annexe II à l’annexe III de la Convention de Berne qui reconnait les espèces de faune simplement protégées : les États assurent le maintien de ces espèces par la réglementation de leur exploitation".

Rappelons que la "Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe" dite convention de Berne de 1979 ratifiée par la France en 1989 classe le loup à l'annexe II parmi  les espèces strictement protégées. Toute forme de capture intentionnelle, de détention ou de mise à mort intentionnelle du loup est ainsi interdite.
Le loup relève également de la directive européenne «Habitats, faune, flore » du 21 mai 1992 (et de son annexe IV) transposée aux articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement. Il fait l'objet d'une protection stricte à ce titre.
Ainsi que le souligne le rapporteur  Cyril Pellevat devant la commission des affaires européennes du sénat le 16 juillet 2020 " La protection du loup n'est bien sûr pas absolue. En droit international, aux termes de l'article 9 de la Convention de Berne et, en droit européen, aux termes de l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore », il est possible de déroger à la protection du loup, sous réserve que trois conditions soient réunies : qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, que la dérogation ne nuise pas à la survie de l'espèce et que des dommages importants aux cultures ou à l'élevage soient constatés.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), comme elle l'a montré dans deux arrêts récents, exerce un contrôle vigilant des dérogations à la protection accordée au loup, octroyées en application de l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore ». En France, des arrêtés autorisent chaque année des dérogations à la protection du loup, en permettant des tirs de défense et, le cas échéant, des tirs de prélèvement, dans la limite d'un plafond."
S'agissant du processus de "déclassement" d'une espèce,  celui-ci relève du comité permanent de la Convention auquel, ainsi que le rappelle M. Pellevat, incombe la mission "d'évaluer l'état de conservation des espèces et, par conséquent, de revoir leur inscription dans les listes des annexes de la Convention. Tout amendement portant sur ces annexes doit être adopté à la majorité des deux tiers des parties contractantes."
M.Pellevat rappelle que "Des amendements sont régulièrement déposés. La Norvège soutient ainsi l'abaissement du niveau de protection de la bernache nonette. La Suisse a de son côté présenté, en 2018, un amendement visant à abaisser le niveau de protection dont bénéficie le loup. À l'époque, la Commission européenne avait adressé aux États membres, sur le fondement de l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une proposition prônant le report de ce vote, jusqu'à ce que des données actualisées sur l'état de conservation du Loup gris dans l'Union soient disponibles. Elle considérait à l'époque que l'état de conservation du loup demeurait défavorable dans plusieurs États membres dans lesquels cette espèce bénéficie d'une protection stricte."
A l'issue du débat en commission, au cours duquel certains sénateurs ont précisé ne pas voter en faveur de la résolution ou de s'abstenir, la commission a adopté la proposition dans la rédaction (reproduite intégralement) ci-après :



Proposition de résolution européenne visant à adapter le régime de protection dont bénéficie le loup en application de la Convention de Berne et de la législation européenne

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979 (STE n° 104),

Vu l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la décision 82/72/CEE du Conseil du 3 décembre 1981 concernant la conclusion de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe,

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages,

Vu le rapport d'information du Sénat sur la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne (n° 384, 2013-2014) - 19 février 2014 - de Mme Hélène MASSON-MARET et M. André VAIRETTO, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire,

Vu la résolution du Parlement européen du 15 novembre 2017 sur un plan d'action pour le milieu naturel, la population et l'économie,

Vu le rapport d'information du Sénat relatif au Plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage (n° 433, 2017-2018) - 17 avril 2018 - de M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,

Vu la résolution du Parlement européen du 3 mai 2018 sur la situation actuelle et les perspectives pour l'élevage ovin et caprin dans l'Union,

Vu la proposition de décision du Conseil établissant la position à prendre au nom de l'Union européenne lors de la trente-huitième réunion du comité permanent de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe en ce qui concerne des amendements aux annexes II et III de ladite convention, COM(2018) 731 final, Dossier interinstitutionnel 2018-0379 (NLE),

Vu la résolution n° 1 (2018-2019) du Sénat sur le pastoralisme, adoptée le 2 octobre 2018,

Vu l'avis du Comité européen des régions sur le pastoralisme, adopté le 9 octobre 2019,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 10 octobre 2019 (affaire C-674/17 dite « Tapiola »),

Vu la communication de la Commission européenne du 20 mai 2020, « Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 - Ramener la nature dans nos vies, COM(2020) 380 final »,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (deuxième chambre) du 11 juin 2020 (affaire C-88/19),

Vu le rapport d'information du Sénat sur l'application de la loi Montagne II (n° 635, 2019-2020) - 15 juillet 2020 - de M. Cyril PELLEVAT, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,

Considérant que le loup (canis lupus) bénéficie d'un statut très protecteur, en application à la fois de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, à laquelle l'ensemble des États membres et l'Union européenne sont parties, et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Considérant que le nombre de loups a connu une augmentation significative dans plusieurs États membres et que le loup ne peut plus être considéré comme une espèce en voie d'extinction sur le territoire français puisqu'un minimum de 580 spécimens est recensé ;

Considérant que le nombre d'attaques de loup sur les troupeaux est en constante augmentation ces dernières années, ce qui menace la conduite et le maintien durable des activités pastorales ;

Considérant que l'agropastoralisme promeut une agriculture extensive de qualité et qu'il contribue au développement économique de la montagne, à l'entretien des paysages, au maintien de la biodiversité ainsi qu'à la prévention des risques naturels ;

Soutient la volonté de la Commission, exprimée dans sa communication relative à la stratégie de l'Union européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, de proposer la mise en place, au sein de l'Union, d'un cadre de gouvernance global pour piloter la mise en oeuvre des engagements en matière de biodiversité contractés au niveau national, européen ou international, incluant un mécanisme de suivi et de réexamen de ces engagements ; relève que la Commission souligne en particulier les enjeux de mise en oeuvre des dispositions relatives à la protection des espèces incluses dans la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages et qu'elle évoque, le cas échéant, un réexamen et une révision de la législation européenne ayant une incidence sur la biodiversité ;

Appelle dans cette perspective la Commission à développer un processus d'évaluation réactif afin de permettre de modifier le statut de protection d'une espèce dans une région donnée, dès que le niveau de conservation souhaité est atteint ; demande en particulier une adaptation des annexes de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, afin de prendre en compte la croissance du nombre de loups dans certains États membres ou certaines régions ;

Invite la Commission à proposer au Conseil de soutenir une proposition visant à transférer le loup (canis lupus) de l'annexe II de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (« Espèces de faune strictement protégées ») vers son annexe III (« Espèces de faune protégées »), lors d'une prochaine réunion du comité permanent de cette convention ;

Demande à la Commission de reconnaître, au travers d'un plan d'action dédié, l'importance de la contribution du pastoralisme au maintien d'une agriculture extensive de qualité, au développement économique de la montagne, à l'entretien des paysages, au maintien de la biodiversité ainsi qu'à la prévention des risques naturels ;

Estime nécessaire d'assurer un suivi scientifique des enjeux d'hybridation entre loups et chiens et d'en tirer les conséquences juridiques ;

Appelle, dans l'attente d'une révision de la législation européenne, la Commission et les États membres à prendre rapidement des mesures concrètes afin de permettre le contrôle et la gestion de la prolifération des prédateurs dans certaines zones de pâturage et de ne pas compromettre le développement durable des zones rurales, en s'appuyant sur les possibilités offertes par l'article 16 de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages en vue de prévenir notamment des dommages importants à l'élevage ;

Souligne en particulier la nécessité pour les États membres d'accorder les dérogations aux interdictions prévues par l'article 12 de cette directive, sans exclure a priori aucun territoire du champ de ces dérogations ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations au Conseil.


Rappelons qu'en France l'on compterait actuellement 580 loups et que l'arrêté du 30 décembre 2019 fixe un plafond de destruction de loups jusqu'au 31 décembre 2020 de 19 % de l'effectif moyen de loup estimé annuellement.

La volonté de déclasser le loup n'est pas une spécificité française; la Suisse en a déjà fait la demande en 2018 et le sujet est aussi d'actualité en Allemagne. La cause en est la forte expansion du loup en Europe.

Il faut reconnaitre que le loup cause bien des soucis à l'activité pastorale et de manière générale aux activités humaines ce qui déclenche sans surprise des réactions très virulentes des activités concernées. Il fait aussi souligner que parmi ceux qui "tirent sur le loup" (au sens figuré) certains ne mettent pas en œuvre les moyens de protection qui existent ou de façon insuffisante.

Il est hélas probable que sous la pression qui devient de plus en plus forte pour revoir le classement du loup, cela arrivera un jour.

Ce qui est  certain c'est que les milieux de l'élevage et de la chasse se mobilisent fortement et que le loup a du souci à se faire.

https://www.placegrenet.fr/2020/07/27/senateur-loup-plus-espece-strictement-protegee/306535

Texte de la Convention de Berne:

https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/rms/0900001680078b0e

Annexe II à la Convention de Berne:

https://rm.coe.int/168078e2ff

Proposition de résolution européenne:

https://www.senat.fr/leg/ppr19-571.html

Examen en commission des affaires européennes le 16 juillet 2020:

Environnement et développement durable - Classement du loup au sein de la Convention de Berne : examen du rapport de M. Cyril Pellevat, de la proposition de résolution européenne et d'un avis politique


http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200713/europ.html#:~:text=La%20convention%20de%20Berne%20de,et%20de%20leurs%20habitats%20naturels.


Arrêté du 30 décembre 2019 portant expérimentation de diverses dispositions en matière de dérogations aux interdictions de destruction pouvant être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus)

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=72D12623133B91B39BB7F7D55EF8627D.tplgfr33s_2?cidTexte=JORFTEXT000039749257&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000039749139