jeudi 26 juillet 2018

Le plan "Ours" 2018-2028

On en a bien moins parlé que du plan loup 2018-2023 qui a fait couler beaucoup d'encre.

Aussi est-il, je le pense, utile de résumer en quelques lignes ce que le "plan d'actions ours brun" prévoit afin d'assurer le maintien dans nos Pyrénées d'une population ursine viable.

Vous pourrez accéder à l'intégralité des 84 pages du plan (dont 46 pages pour le plan a proprement parler et ses annexes) à partir du lien ci-après.

Ce plan définit la stratégie sur une période de 10 ans permettant à la fois de garantir la conservation de l'espèce et donc la richesse biologique et de garantir l'avenir du pastoralisme pyrénéen, équation a priori pas évidente.

Le plan rappelle tout d'abord le contexte: une population ursine locale extrêmement fragile classée par l'UICN comme "espèce en danger critique d'extinction", fragilité due tant à sa "faiblesse numérique" et sa forte "consanguinité" qu'à la fragmentation géographique de son habitat (peu de contacts possibles entre les individus).

A partir de ce constat, l'idée est de mettre en place une stratégie qui réponde aux enjeux majeurs dont plus particulièrement les trois suivants :

a) la "consolidation de la population (ursine)"; 
b) "la prise en compte des conditions de maintien d'un élevage pastoral dans des conditions économiques viables";
c)"la poursuite, l'amélioration et l'harmonisation des mesures de prévention des dommages"

Il est évident que le maintien de la population ursine dépend, d'une part, de son habitat qu'il convient de protéger afin de garantir la richesse de la faune et de la flore lui permettant de se nourrir et, d'autre part, de la limitation des perturbations et interactions potentiellement mortelles avec les activités humaines (chasse et exploitation forestière en particulier).

1. La gestion et le développement de la population ursine

Le plan prévoit un suivi de l'espèce afin de pouvoir s'assurer de sa "dynamique" mais ce suivi ne doit pas et ne peut pas être permanent, d'une part, en raison des risques induits par la capture puis la pose de colliers émetteurs (risque de mortalité non négligeable pour une population déjà peu nombreuse)  et d'autre part en raison du coût important en moyens humains et matériels que cela supposerait. suivi s'effectuera donc de façon majoritaire par des prélèvements sur le terrain (fèces, poils, empreintes).

La conservation et le développement de la population devra s'appuyer sur deux principes (pages 18-19):

- " la capacité de la population à croître par elle-même"...pour autant que "les taux de survie et de reproduction sont suffisamment élevés";

- "des renforcements de nouveaux spécimens pour maintenir une dynamique favorable" dans deux cas de figure:
   a) le remplacement de tout ours qui aurait disparu prématurément du fait de l'homme": en effet, le  décès prématuré du fait de l'homme d'un individu et cela est encore plus vrai pour une ourse en capacité de se reproduire nécessitera  son remplacement;
   b) le renforcement des deux noyaux de population.Le plan prévoit à ce titre en pages 20 et 21 le renforcement de deux ourses dans le département des Pyrénées-Atlantiques à l'automne 2018.

2.La cohabitation avec les activités humaines (pages 22-34)

La chasse

le plan insiste sur la nécessaire prise en compte de la présence de l'ours lors de la pratique cynégétique. Il privilégie la mise en place de "chartes" avec les fédérations de chasse permettant de définir les conditions de la pratique.
Il s'agit également de former les chasseurs sur la conduite à tenir dans une zone à ours. A titre d'exemple les fédérations des chasseurs des Pyrénées ont conçu un DVD sur la conduite à tenir intitulé "Chasseur en zone à ours".

La gestion forestière

Il faut assurer :

a) " la quiétude nécessaire au cycle biologique de l'ours et éviter toute accoutumance"
b) " la disponibilité alimentaire en forêt et ainsi limiter les incursions de l'ours dans les estives"

Il convient surtout de préserver la "connectivité"entre les deux noyaux de la population (central et occidental);les pours doivent avoir la possibilité de passer d'un noyau à l'autre sans entrave majeure.

Les activités pastorales

Chacun sait qu'il s'agit là de la pratique humaine la plus "sensible" et la plus susceptible de fragiliser la population. Le plan rappelle que les mesures de protection existantes (notamment chien de protection dits "Patous") sont efficaces "dans la grande majorité des cas" (page 27).
Le plan propose de poursuivre "l'appui aux éleveurs pour les mesures de prédation" en fournissant un appui technique pour la mise en place de chiens de protection, en créant un réseau de "bergers d'appui" (qui interviennent pour aider les gestionnaires d'estives confrontés à la présence de l'ours) et en poursuivant tout en le modulant le système d'indemnisation suite à prédation (page 31).

Le chapitre 4 du plan est consacré à la "patrimonialisation de l'espèce" en insistant notamment sur l'apport de l'ours en tant que vecteur extraordinaire des activités touristiques de la région.

Le chapitre 5 se focalise sur l'évaluation et l'adaptation des actions et moyens mis en œuvre. Le plan prévoit une analyse bisannuelle par modélisation de la dynamique de la population (page 44). Il est rappelé que les scientifiques considèrent qu'une population est viable si la probabilité d'extinction sur 50 ans est inférieure à 5%

A l'annexe 1, il est précisé l'état de la population et son aire de répartition en 2016.
De 150 ours au début du XXème siècle, la population est tombée en 2016 (population minimale "détectée") à 39 individus dont 37 ours pour le noyau central et 2 ours pour le noyau occidental.
81% de la population est jeune c'est à dire âgée de moins de 9 ans.
Un individu est âgé de 28 ans; il y a autant de mâles que de femelles (15) cependant que 7 individus sont de sexe "indéterminé".
En 2017 la population s'est établie à 43 ours.

L'annexe 2 précise notamment le statut légal de protection (chasse interdite en France depuis 1962)  issu de:
- la convention de Berne du 19/09/1979,
- de la directive 92/43 CEE "Habitats",
- des résolutions du Parlement européen en faveur de la protection de l'ours brun (17/02/1989 et 22/04/1994),
- de l'article L411-1 du code de l'environnement,
- de l'arrêté ministériel du 23/04/2007

L'annexe précise aussi le statut de conservation de l'espèce:

L'ours brun reste classé selon la directive "Habitats" en "défavorable inadéquat". Pour respecter le critère de risque d'extinction inférieur à 5% dans 50 ans il faudrait, selon le plan, renforcer les deux noyaux de la façon suivante par le "lâcher" de :

- 10 femelles et 5 mâles dans le noyau occidental très affaibli;
- 5 femelles dans le noyau central

Il reste à voir si ce plan sera accepté par les acteurs locaux dont le soutien est indispensable afin de garantir la survie de l'espèce.

Le lâcher à l'automne de deux ourses s'annonce par avance être un moment "délicat"...à suivre ! Voyez sur le lien ci-après la carte des 20 communes du Béarn potentiellement susceptibles d'accueillir les deux ourses: 

https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/carte-lacher-d-ours-dans-les-pyrenees-les-20-communes-potentiellement-concernees-1529939050

Dernière info / vidéo d'une ourse suivie de ses deux petits en mai-juin 2018 :


Le plan: 

https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-31262-plan-actions-ours-2018-2028.pdf